SAFIATOU CAMARA, ENTREPRENEURE-RESTAURATRICE: UN CORDON BLEUEN HERBE DÉTERMINÉ À PROMOUVOIR LES RECETTES CULINAIRES MALIENNES

Pour la valorisation et la promotion des mets de nos différents terroirs et afin de stimuler la vocation de la cuisine aux cordons bleus en herbe, l’organisation YES Inc. Mali (organisation à but non lucratif) organise tous les trimestres un grand concours culinaire. Celui de juin 2024 a vu le sacre d’une jeune dame passionnée de cuisine depuis sa tendre enfance. Une passion  dont Safiatou Camara (c’est son nom) veut faire aujourd’hui un outil entrepreneurial. Derrière une grande discrétion, cette jeune dame affiche de grandes ambitions aussi bien dans le domaine de la restauration que de la promotion des épices made in Mali. Zoom sur l’un​e des championnes «Bitikini Tobili Chef» de YES Inc. Mali.

 

«Surprise» ! C’est le sentiment qui a en premier animé Safiatou Camara quand elle a été déclarée vainqueure du concours de cuisine de YES Inc. Mali en juin 2024. La trentaine portée avec élégance et finesse, jeune entrepreneure au sein du Réseau YES Bitikini, depuis 2018. Safiatou est étudiante en santé, elle a ainsi rejoint la cour des championnes du Mali en cuisine ou «Bitikini Tobili chef», un précieux vivier de cordons bleus confirmés ou en herbe que YES Inc. Mali est en train de constituer. «J’ai été surprise parce que j’avais en face des cuisinières au talent confirmé. Sans compter qu’il n’y avait pas que la recette pour être jugée. Beaucoup d’autres facteurs étaient pris en compte», nous a-t-elle confié lors d’un entretien le 2 octobre à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FSEG) où elle co-gère une cantine avec son mentor, Dr Camara Kadiatou Samaké. Au finish, reconnaît-elle, «j’étais contente, heureuse». Sa recette ? Du couscous au gombo ! Un menu qui, de son aveu, ne lui a pas coûté plus de 750 F CFA. Pour une famille de 5 personnes, il faudra en moyenne 1 500 F CFA. Un montant à revoir à la hausse dans les familles où on souhaite avoir plus de viande ou de poisson dans la sauce.

Aujourd’hui, Safiatou n’est pas seulement un espoir de la cuisine moderne malienne, mais aussi de l’entrepreneuriat féminin dans notre pays. Ayant très tôt compris que la vie est un éternel combat pour réaliser ses ambitions, elle ne cesse de se battre pour prouver qu’il y a une vie après l’échec. «Après des échecs au Bac, j’ai un moment renoncé avant d’avoir une opportunité de m’inscrire pour des études en santé. A ce niveau, je me suis vite heurtée au problème du paiement des frais scolaires. Mon père étant un brave maraîcher, j’ai alors tout abandonné pour vendre du gombo frais au marché», nous raconte-t-elle.

Comme beaucoup de jeunes ayant été contraints d’arrêter les études pour raison ou autre, YES Inc. Mali s’est vite présentée à comme une bouée de sauvetage à travers l’entrepreneuriat. Coachée par la persévérante Dr Camara Kadiatou Samaké (professeur à la FSEG et entrepreneure/promotrice de Thé et Café Gourmand, entre autres), Safiatou est de la couvée 2017-2018. «Yes​ Inc. Mali a  vraiment été une bouée de sauvetage. Avant mon incubation, je ne savais pas par exemple fructifier l’argent ou diagnostiquer les bonnes opportunités permettant d’investir…», nous confie-t-elle.

Comme souligné plus haut, Safiatou co-gère depuis 3 ans une cantine sur la «Colline du Savoir» avec son coach. Un lieu ouvert du lundi au vendredi. Le menu est assez varié avec du riz, du fonio… et deux sauces au choix tous les jours. Le vendredi, le menu est consacré au haricot et au riz au gras. Ces mets délicieux sont aussi accompagnés de nombreux jus locaux (gingembre, dableni…) ou de la crème de mil (dèguè). «Au départ, c’était une cantine destinée aux professeurs et à l’administration… Mais, elle est maintenant ouverte à tous le monde», souligne Safi, très sollicitée aussi pour les séminaires, les cocktails… «C’est un espace très propre avec des repas au goût de tous», nous confie un professeur.

Ce qui est important à noter dans la cuisine de Safiatou, c’est qu’elle n’utilise pas les produits d’assaisonnement à la base de beaucoup de maladies dans nos pays. «Même dans les zones rurales, les femmes ont de plus en plus tendance à croire qu’on ne peut pas faire une sauce appétissante sans les fameux cubes d’assaisonnement. Elles se trompent. Je ne les utilise jamais parce qu’avec le soumbala et le datou (dérivés des grains du néré) ont peut faire les sauces les plus délicieuses», raconte le cordon bleu qui avoue avoir fait ses premiers pas auprès de sa maman.

«Quand je n’allais pas à l’école, j’étais toujours aux côtés de ma maman ou de mes sœurs… Ce qui fait que, déjà à l’enfance, je maîtrisais beaucoup de choses de la cuisine», raconte-t-elle. «J’exhorte les filles à ne pas s’éloigner de la cuisine et d’être toujours proches de leurs mamans et de leurs sœurs qui peuvent leur apprendre des choses importantes pour leur vie future conjugale», conseille Safi. «Les études sont importantes, mais ​il faut aussi savoir faire autre chose dans la vie. Les miennes ont été écourtées pour diverses raisons. Mais, j’ai été aussi à l’école de la vie avec mes mamans et mes sœurs comme enseignantes. Cela m’a permis de ne pas sombrer, de me battre pour ne pas dépendre des autres. Pour une fille, il est très difficile d’échapper à la cuisine qui est aussi l’un des meilleurs atouts pour fidéliser un conjoint», ajoute la jeune et talentueuse «Bitikini Tobili chef» de YES Inc. Mali.

Le désir d’offrir des mets sains et assez nutritifs aux Maliens a donné à la jeune entrepreneure l’idée de lancer une entreprise spécialisée dans les épices, «Safi-Epices». En  plus du soumbala et du datou, elle conditionne beaucoup d’autres condiments comme le fakoye, le poivre, ainsi que du fonio, du diouka… Le rêve de Safiatou ? Contribuer à la vulgarisation des recettes culinaires de nos terroirs ; ouvrir un grand restaurant qui va se distinguer au Mali et dans la sous-région, et pouvoir commercialiser ses épices en dehors de nos frontières.

Aujourd’hui, comme Safiatou, les championnes du Mali en cuisine ou «Bitikini Tobili chef» (M’Badiala Sissoko, Marie Emma Traoré, Aminata Sadio Kéita, Oumou Coulibaly, Korotoumou Coulibaly, Fatoumata Sow et Mariam Kané) sont disponibles pour tout le monde (séminaires, réceptions, mariages…) pour mettre leur talent et leur passion au service de tous avec des menus assez variés et tirés de nos terroirs.

Favoriser la culture entrepreneuriale ; donner les compétences entrepreneuriales aux femmes et jeunes ; développer les start-ups (littéralement : entreprise qui démarre ! La start-up est liée à la notion d’expérimentation d’une nouvelle activité sur un marché émergent et dont les risques sont difficiles à évaluer) et incubateurs ; appuyer les entreprises par des conseils stratégiques ; et booster l’innovation et le management économique et sociale… Telles sont, entre autres, les missions que s’est assignée YES Inc. Mali. Ces dernières années, Kalilou Dama (Coordinateur, conseiller stratégique et consultant international) et son équipe s’illustrent bien dans ces credo en permettant à des milliers de personnes, notamment des femmes et des jeunes, de prendre leur destin en main à travers… l’entrepreneuriat !

Moussa Bolly

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