RECOURS DÉPOSÉ PAR BLOOM CONTRE L’UNION EUROPÉENNE ET LA FRANCE POUR ENTRAVE À LA PROTECTION DES OCÉANS

Alors que les membres de la Commission des thons de l’océan Indien (CTOI) sont réunis à Maurice le lundi 8 mai 2023, pour leur réunion annuelle, les enjeux politiques pour la protection des écosystèmes marins n’ont jamais été aussi importants, les lobbies thoniers européens et leurs alliés politiques mettant à mal toute avancée environnementale dans la région.

Aujourd’hui, BLOOM dépose deux recours auprès de la Commission européenne et de la Direction Générale des Affaires Maritimes, de la Pêche et de l’Aquaculture (DGAMPA), suite aux objections déposées par ces deux institutions contre la décision prise en février dernier par la CTOI d’interdire partiellement les « Dispositifs de Concentration de Poissons » (DCP) – une méthode de pêche très destructrice – pendant une partie de l’année. Ces objections inacceptables sont en totale contradiction avec les principes de la Politique Commune de la Pêche et ne feront qu’alimenter le ressentiment anti-européen dans la région ainsi que le désespoir de la société civile, consternée par la détermination de l’UE à agir contre l’intérêt général au seul profit d’une poignée d’industriels français et espagnols.

Le 5 février 2023, les pays côtiers ont réalisé un véritable tour de force, en obtenant (par 16 voix contre 23) une première interdiction annuelle des DCP dans l’océan Indien. Cette interdiction temporaire est appliquée dans tous les autres océans par mesure de conservation et par principe de précaution. Les DCP sont largement considérés comme une menace sérieuse pour les écosystèmes marins du monde entier. Même les représentants de l’industrie reconnaissent ouvertement que les DCP ont un impact catastrophique, comme en témoigne Adrien de Chomereau, PDG de Sapmer – l’une des trois sociétés françaises qui ciblent le thon tropical – qui a déclaré que « le moins de DCP possible est la voie de la vertu ».

Une résolution rendue inefficace et peut-être bientôt annulée

Malgré cette décision démocratique prise par les membres de la CTOI en février 2023 – qui représentait un premier pas très concret vers la reconstitution des populations de thons surexploitées dans l’océan Indien et la protection des écosystèmes marins fragiles – la Commission européenne a choisi de s’aligner sur les intérêts d’une poignée d’entreprises thonières françaises et espagnoles. L’institution a ainsi plaidé pour une objection à cette résolution essentielle, en utilisant une série d’arguments fallacieux que nous avions déjà réfutés dans un précédent rapport. Le 11 avril 2023, la Commission européenne a formellement déposé son objection auprès du secrétariat de la CTOI, et trois jours plus tard, la France – qui bénéficie d’un siège supplémentaire à la CTOI grâce à ses « Iles Éparses » (quelques petites îles inhabitées dans le canal du Mozambique) – a déposé une objection similaire.

Ce faisant, la grande majorité des navires utilisant ces engins de mort dans l’océan Indien sont désormais hors du champ d’application de la résolution de la CTOI, puisque, selon la gouvernance de la CTOI, les résolutions ne s’appliquent pas aux membres qui font objection. Les Seychelles et Oman ont également fait objection, de sorte que la résolution ne s’applique plus qu’à cinq des 47 navires appartenant à la France et à l’Espagne qui opèrent dans l’océan Indien. Si l’île Maurice mettait également à exécution sa menace d’objection, il ne resterait plus qu’un seul navire concerné.

Des remèdes pour protéger les écosystèmes marins

Face à la toute-puissance des lobbies industriels et de leurs relais politiques au sein de la Commission européenne et du Conseil de l’UE, BLOOM se tourne à nouveau vers la justice, devenue quasiment le seul rempart des associations citoyennes et écologistes contre des arbitrages qui mettent en péril, l’un après l’autre, l’équilibre de la biosphère.

Par les deux recours déposés par BLOOM, nous demandons à la Commission européenne et à la France de revenir sur leurs décisions et de retirer leurs objections à la nécessaire interdiction des DCP 72 jours par an.

En défendant par tous les moyens, y compris non démocratiques, une poignée d’industriels engagés dans des pêcheries très controversées et destructrices, l’UE joue un jeu dangereux dans l’Océan Indien et alimente un profond ressentiment anti-européen dont les ramifications iraient bien au-delà de la simple question de la pêche. Utiliser l’aide au développement comme monnaie d’échange pour obtenir l’abaissement des exigences écologiques des pays du Sud est notamment un acte dévastateur pour la confiance Nord-Sud et laisse peu d’espoir aux populations de part et d’autre des continents européen et africain sur la capacité des politiques à prendre les décisions justes et courageuses qui s’imposent à l’heure de l’effondrement de la biodiversité et du climat. Si les flottes industrielles européennes se comportent avec une brutalité écologique et néocoloniale aussi flagrante, comment pouvons-nous espérer améliorer les pratiques d’autres pays pratiquant la pêche lointaine, comme la Chine, la Corée, la Russie ou la Turquie ?

Les récentes actions de l’UE et de la France ont brisé le mythe de l’exemplarité des flottes industrielles que la Commission européenne voudrait installer. Nous comptons maintenant sur la procédure engagée par ce premier acte pour contraindre l’UE à se comporter de manière transparente et digne.

Bon à savoir sur les « Dispositifs de Concentration de Poissons » DCP

 Les thoniers européens dépendent entièrement des DCP destructeurs. Plusieurs faits et chiffres particulièrement frappants démontrent le poids des flottes européennes dans cette pratique de pêche écocide :

Les navires de l’UE représentent actuellement environ 95 % des captures de thon effectuées officiellement autour des DCP dans l’océan Indien ; Les données de la CTOI montrent que 93% de l’albacore et 99% du thon obèse – deux espèces considérées comme surpêchées depuis 2015 et 2022, respectivement – capturés sous DCP par les navires de l’UE sont des juvéniles et des individus immatures qui ne se sont pas reproduits.

Yvon Riva – ancien président du syndicat français de la pêche thonière Orthongel – l’admet sans sourciller : « C’est une déclaration que nous regrettons, mais c’est la vérité, il n’y a pas de raison de la nier », en réponse à un journaliste français qui soulignait que les pêcheurs français « [pêchent] des juvéniles de 10 kg qui ne se sont pas reproduits, sur une espèce qui est surpêchée et surexploitée » ;

Jusqu’à 10 % des captures liées aux DCP concernent des espèces non ciblées, telles que des espèces vulnérables et fragiles de requins et de tortues. Les observateurs signalent souvent la capture de centaines de requins au cours d’une seule opération de pêche, dont la quasi-totalité meurt avant d’être rejetée à la mer ;

On estime que 60 % à 90 % des DCP sont abandonnés ou perdus en mer, finissant par s’échouer, générant une source massive de pollution marine et constituant une menace pour la vie marine longtemps après la fin de leur utilisation.

Source : Press et PR

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