ROKIATOU DIAKITÉ DITE ROSE: CELLE QUE LE HANDICAP N’A PAS PU VAINCRE

Atteinte de poliomyélite à deux ans, se déplaçant dans un fauteuil roulant depuis sa tendre enfance, Rokiatou Diakité dite Rose n’a pas manqué du soutien et de l’accompagnement de ses parents. Assidue à l’école, elle obtient son diplôme d’études fondamentales en 1988 à l’École fondamentale de Djélbougou. Elle est licenciée en informatique depuis 1996 et détient un master en Méthodes Informatiques Appliquées à la Gestion des Entreprises (MIAGE) 2019. Elle est la promotrice du Cabinet de consultation informatique dénommé UNI (Univers du net et de l’informatique) en 2000, présidente du Mouvement mondiale des femmes leaders panafricaine, Consultante handicap, genre et inclusion et membre du réseau des femmes écrivaines du Mali et de la diaspora (RFEMD).

NYELENI Magazine : Si on vous demandait de vous décrire vous-même que direz-vous ?

Rokiatou Diakité : Comme le dit l’adage « On ne peut se mettre à la fenêtre pour se regarder passer dans la rue » donc je ne pourrai vous dire qu’en tant que femme leader je fais de mon mieux pour atteindre mes objectifs de manière loyale. Je suis consciente que je me dois d’être un exemple. Je me sens bien dans la vie associative. Je dirai aussi que je pense que le bonheur se multiplie lorsqu’on le donne et que « Nul n‘a le droit d’être heureux tout seul ». Il est essentiel de comprendre que notre bonheur interdépendant de celui des autres.

NYELENI Magazine : Entre 1988 et 1996, vous avez passez des moments très difficiles et faire le Baccalauréat 10 ans après, peut-on en parler ?

À l’approche des examens du baccalauréat, j’ai été victime d’une évolution inattendue de mon handicap. Cela m’a fait perdre l’usage de mes bras et j’ai été obligée de sursoir aux épreuves  de 1991 (car ne pouvant bénéficier d’assistance pendant l’examen pour écrire à ma place). Mon état s’aggravait au fil du temps et m’éloignait du chemin. J’ai pu quand même avoir ledit baccalauréat, après maintes démarches administratives et 18 ans après  (2008).  Cependant, cette épreuve ne ma guerre ébranlée, cela m’a donné la force de persévérer dans la quête du savoir, en m’inscrivant dans une structure informatique dont le diplôme n’était pas reconnu au Mali. Mais, j’ai obtenu ma licence en 1996, comme il fallait pour valider ce diplôme, avoir absolument le BAC, alors  je l’ai repris en 2008..

NYELENI Magazine : Vous êtes aujourd’hui écrivaine, peut- on parler du livre « RÉUSSIR SA VIE COUPLE » et surtout pourquoi un tel livre chez-nous ?

Rokiatou Diakité : Compte tenu du constat lors des consultations conjugales, maman hadja Bani et moi-même, avons vu l’impérieuse nécessité d’écrire un livre sur la vie de couple, afin qu’il soit un guide, une piste pour le couple en cas de doute, de conflits. Ce livre propose des astuces, idées, pour mieux gérer sa vie de couple.  Il a été vendu à plus de 3000 exemplaires à travers le monde et a été particulièrement bien accueilli par les hommes. La vie de couple n’est pas un long fleuve tranquille. Les hommes et les femmes vivent dans des stéréotypes, ce qui amène beaucoup d’incompréhensions au sein des couples. Le livre « REUSSIR SA VIE DE COUPLE » répond à ce besoin de mieux connaitre sa moitié pour une vie de couple harmonieuse. Mais il n’est pas dit que les solutions et conseils proposés dans ce livre sont applicables à tous les couples. Chaque couple à ses réalités, et rien n’est standard en termes de relation humaine, qui est une entité vivante.

NYELENI Magazine : Parlez-nous de deux des associations que vous animez, à savoir l’Association Malienne des Artisans en Situation de Handicap (AMASH) et l’Association pour le Renforcement des Capacités des Personnes Handicapées (ARCAPH) ?

Rokiatou Diakité : L’Association Malienne des Artisans en Situation de Handicap (AMASH), compte tenu de l’importance de plus en plus palpable de l’artisanat dans le développement économique, social et culturel du MALI, et que l’artisanat  soit de plus en plus porteur de ressources et d’emplois ; Les artisans en situation de handicap (tout type de handicap), dont une très large frange opèrent dans le secteur informel, ont pris l’initiative de se regrouper afin de pouvoir faire face aux innombrables défis liés aux spécificités du handicap auxquels ces personnes sont confrontées, afin de donner plus de visibilité au potentiel des artisans en situation de handicap et contribuer au développement économique, social et culturel de notre cher pays ,gage de la dignité retrouvée.

Quant à l’Association pour le Renforcement des Capacités des Personnes Handicapées (ARCAPH), elle participe activement au développement local au niveau des quartiers, par la formation, l’apprentissage de métiers, le leadership, la sensibilisation, l’organisation des journées de plaidoyers, le développement psychosocial des couches vulnérables. L’isolement des personnes en situation de handicap est un frein majeur à la marche vers une société inclusive. Pour pallier à temps à cette marginalisation des personnes handicapées, face aux bénéfices de l’autonomisation et de la mobilité, l’Association pour le Renforcement des Capacités des Personnes Handicapées (ARCAPH) a mis sur pied un projet de mobilité et d’insertion de ses membres.

NYELENI Magazine : Quelle est aujourd’hui, la compréhension des maliens-nes sur la Convention relative aux droits des personnes handicapées au Mali signée en 2006, ainsi que la Convention relative aux droits des personnes handicapées ?

Rokiatou Diakité : Le combat pour la vulgarisation de la Convention est un combat de longue haleine, il faut beaucoup de patience, d’engagement mais surtout de la volonté politique. L’existence de la convention est connue de tous, mais son contenu reste vraiment méconnu. Les sessions de formation à l’endroit des décideurs, des organisations de personnes handicapées doivent être multipliée à travers une ligne budgétaire au niveau du département de tutelle, afin de favoriser l’émergence d’experts sur la convention. L’apport des partenaires techniques et financiers est aussi déterminant dans la vulgarisation de la convention. Il est aussi important de signaler que Loi n° 2018-027 du 12 juin 2018 relative aux droits des personnes vivant avec un handicap au MALI, est le résultat de plusieurs années de combat des personnes sur la base de la convention. Le décret de cette loi a été signé en septembre 2021, par les autorités de la Transition.

NYELENI Magazine : Vous avez eu beaucoup des distinctions ?

Rokiatou Diakité : Oui, il y a eu le Trophée femme battante, Trophée femme engagée, Trophée de la citoyenneté et de la solidarité pour tous, le Prix du Leadership Africain pour la combativité, la résilience et l’intégration, (organisé par l’Agence Sahel Communication (AsCom)), le Trophée couple harmonie, Ciwara de la part de la radio liberté, le trophée de la femme Active par le Réseau des Femmes Actives du Mali, le Trophée Djènè kala (la quenouille) de la radio Dakan.

NYELENI Magazine : Avez- vous des conseils à donner à la jeune génération de façon générale ?

Rokiatou Diakité ; Quel que soit notre condition dans la vie, il est essentiel de rester intègre, loyal et travailleur. Notre comportement et notre abnégation aux travail sont les gages de notre réussite à tous les niveaux. « Nul n’échappe à son destin ». C’est le Tout-Puissant miséricordieux qui a créé chacun comme il est, il ne faut donc pas rejeter les personnes handicapées. Déjà, le handicap est un lourd fardeau à porter, sans compter les douleurs qu’on a dans le corps, l’esprit et l’âme. Si quelqu’un nous ouvre ses bras et son cœur, cela nous aidera à reprendre confiance et à avancer dans la vie. Les femmes handicapées sont fortes, mais souvent les circonstances défavorables arrivent à bout de notre détermination. Nul n’échappe à son destin et le handicap fait partie du destin.

Propos recueillis par Maïmouna TRAORÉ

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