OUMOU ARMAND DIARRA, PRÉSIDENTE DU RÉSEAU DES FEMMES ÉCRIVAINES DU MALI ET DE LA DIASPORA (RFEMD)

Née en Serbie dans l’ex-Yougoslavie (Belgrade). Diarra Oumou Modibo Sangaré a fait l’école primaire et secondaire entre le Mali et la Côte d’Ivoire. Les études supérieures en Tunisie et en Algérie, où elle a obtenu un Magistère en Littérature Comparée. Écrivaine, son nom d’auteur est Oumou Armand Diarra. Présidente du Réseau des femmes écrivaines du Mali et de la diaspora (RFEMD), elle a écrit près d’une dizaine d’ouvrages. Nous l’avons rencontrée pour vous.

NYELENI Magazine : Dites-nous qui est Oumou Armand Diarra ?

Oumou Armand Diarra : C’est l’humilité qui s’associe à la discrétion, fruit d’une éducation qui puise à la fois dans la tradition et la modernité. Ecrivaine, je fais de la lutte pour l’amélioration de la condition de l’homme mon cheval de bataille. Je suis née dans un environnement où l’on inculque à la femme le sens de responsabilités. Dans ma vie, j’ai connu des hauts et des bas, des périodes de difficultés que j’ai pu surmonter en m’engageant dans l’univers de l’écriture féminine. Ma force est que je suis résiliente de nature, je n’abandonne jamais une cause. J’ai un sens élevé du patriotisme, tout en étant ouverte sur le reste du monde. La plupart de mes écrits, traduisent un tel état d’âme. Ma grand-mère a été épouse de militaire à Kati. Dans mon recueil de nouvelles l’Afrique un Défi au féminin, « Confidence d’une grand-mère », j’ai évoqué le calvaire des femmes de soldats, en m’inspirant de son vécu. Je passais mes vacances avec mes grands-parents au Badialan I. Ils avaient le sens de la solidarité, ils partageaient leur avoir avec les membres de la communauté. Depuis mon enfance, j’ai appris à compter sur mes efforts personnels. Mon père a été un diplomate chevronné, il est originaire de Birgo (Kita), ma mère était une journaliste qui a travaillé aux affaires économiques. Mes grands-parents maternels sont de Yanfolila, de Wassala plus précisément dans la région de Kayes, et du Mandé. Mariée et mère de deux enfants j’ai été stagiaire à l’office de la radio-télévision du Mali. J’ai suivi mon époux dans ses missions diplomatiques en Algérie, puis aux Etats Unis, à la mission permanente du Mali à New York et aux Nations Unies.

NYELENI Magazine : En suivant votre mari, vous avez certainement eu à faire beaucoup de rencontres, qu’elles étaient vos occupations ?

Oumou Armand Diarra : Tout au long de ma carrière, j’ai rencontré des personnalités du monde, des femmes de culture qui m’ont encadrée, parmi elles je citerai les professeures Maryam Bedjaoui, Kazi Tani Nora Alexandra. En 2004, j’ai fait une communication sur le thème « Globalisation et identité dans la culture » au Centre Kimmel-Université de New York (USA). En 2006, j’ai été à la Radio des Nations Unies, où je m’occupais du partenariat- marketing avec les radios internationales. J’ai publié la plupart de mes ouvrages aux Etats Unis.

A mon retour en 2012 au pays, après le coup d’état, je me suis consacrée à la philanthropie avec l’ONG Soroptimist International Club Lumière de Bamako. A ce titre j’ai été impliquée dans les voyages dans le Mali profond et j’ai pris part à plusieurs remises de kits scolaires, d’équipements pour un centre de couture, à la construction de puits à grand diamètre. J’ai eu l’occasion de rencontrer des femmes de différentes couches vulnérables en milieu rural et urbain. Actuellement, j’enseigne la technique d’expression à l’Université.

NYELENI Magazine : Être écrivain pour vous c’est quoi ?

Oumou Armand Diarra : Un écrivain est une personne qui a l’art d’écrire et qui en fait son métier. Il est à la fois le témoin des faits réels de son époque. En visionnaire, il anticipe et prédit les évolutions à venir à partir du contexte qui prévaut. Le travail d’écriture change d’une époque à l’autre. Il dépend essentiellement du vécu de l’écrivain dans un espace temporel ou géographique donné. L’écrivain peut se distinguer par son engagement social, politique, culturel ou économique. Il peut faire un témoignage sur le comportement des hommes, sur les différentes crises socio-culturelles et économiques et en dégager la morale dont les lecteurs peuvent tirer profit pour une bonne marche à suivre dans leur quotidien. En 1983, j’ai commencé à m’engager dans l’écriture, mais ce n’est qu’en 1999 que j’ai pu publier mon premier recueil de nouvelles. C’est à partir de cette première publication que je me suis forgée mon propre style dans l’écriture des Nouvelles comme genre littéraire. L’écrivain pour moi est témoin d’une situation, du temps d’une vérité ou d’une justice. Comme le disait Albert Camus « l’écrivain ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font l’Histoire : il est au service de ceux qui la subissent.» Je m’inspire du vécu quotidien des hommes de ma société, de mon époque dans mes différents recueils de nouvelles, mon roman, mes études et contributions littéraires. C’est vous dire que le devenir d’un écrivain tourne autour de la pertinence des sujets qu’il aborde et de son style d’écriture. Mon lectorat est ciblé. Il s’agit des jeunes, des femmes qui vivent au quotidien les problèmes de société et qui aspirent une nouvelle vision pour le développement de leur pays ou de leur continent. Mon travail d’écriture est concentré sur la recherche d’une idée originale, sur comment la développer, sur le choix des personnages qui correspondent à mon projet d’écriture. Mon travail est aussi basé sur des enquêtes sur terrain, des réflexions et des analyses. J’ai également un style d’écriture proche de l’écriture cinématographique et de la technique de la littérature orale. Dans mes ouvrages, je donne une importance particulière à la cause des femmes dans les zones rurale et urbaine. Je mets en lumière le rapport entre la technique d’écriture de la littérature et le cinéma. La littérature mène au développement de notre environnement. La technique cinématographique liée à la littérature peut éveiller la conscience de l’homme. Parlant de la thématique dans mes ouvrages, elle est orientée sur les sujets sensibles comme la pauvreté, l’analphabétisme,  la situation des enfants de la rue,  l’excision, la destruction des valeurs sociétales, le Sida, la perte des repères, la corruption, l’injustice, les crises sociales et humaines.

NYELENI Magazine : Vous avez combien de livres déjà publiés ?

Oumou Armand Diarra : J’ai publié une dizaine de livres entre l’Algérie, la France, le Canada, les Etats Unis et le Mali. Ma bibliographie est ainsi composée du genre littéraire : Nouvelles, Roman, Poésie, Théâtre, étude littéraire. L’Afrique, un Défi au féminin, éditions casbah, 1999 à Alger (Algérie) ; Contribution littéraire: Entrevue entre Cécile Dolisane-Ebossè et Oumou Diarra à propos de L’Afrique, un défi au féminin. Alger: Editions Casbah, 1999, Dalhousie French Studies, Vol. 69 (Winter 2004), pp. 133-139 (7 pages) Published By:  Dalhousie University (Canada) ; Globalisation et identité dans la culture, 2004, Centre Kimmel-Université de New York. (USA); Les Nouvelles du Pays, Miroir d’une société en 2006 aux  Editions Le Manuscrit à Paris, France; Tradition et Modernité dans le Sang des Masques de Seydou Badian et l’honneur de la Tribu de Rachid Mimouni, Editions Fondation Fleur de Lys, CANADA 2006 (France) ; Plume de Femme, une écriture en effervescence en 2010  aux  Editions Le Manuscrit à Paris, France; The Shadow of the Mysterious  Nayouma, Xlibris Editions, 2011 , Indiana, ( USA); Contribution : POEMES A UN JEUNE SOLDAT INCONNU «Devoir de Mémoire à un Soldat », Editions Coris 2019, Bamako, MALI. Le Témoin du Temps, Editions GAFE, 2021, Bamako, MALI; Contribution: Nouvelles voix d’écrivaines francophones, Anthologie 2021; Hommage à la Femme. En cours de publication : Ombre de paix, Visage d’honneur ; Hantise d’un destin solitaire; Tiefing le bouffon, Nantenin la bête.

NYELENI Magazine : En 1999, vous avez publié « L’Afrique un défi au féminin », peut-on avoir une idée du contenu ?

Oumou Armand Diarra : En 1999, j’ai publié mon premier recueil de Nouvelles L’Afrique un Défi au Féminin aux Editions Casbah en Algérie. La structure de mon recueil est composée de six nouvelles et une rétrospective de la littérature féminine africaine. L’Afrique, un défi au féminin est un ouvrage qui interpelle les femmes à relever le défi dans toutes les instances de la vie socio politique, culturelle et économique. Les thèmes abordés concernent la situation des enfants de la rue, le calvaire des femmes de soldats dans leur vie conjugale, la tradition, la polygamie, la politique, la vie en famille, le rapport entre l’homme et sa société.

Selon Cécile Dolisane Ebosse Docteur en Lettres, spécialiste de la littérature Négro-Africaine (Université de Toulouse), c’est un  recueil de nouvelles qualifié de « très révélateur, qui donne l’allure au réveil tonitruant de l’esthétique féminine ….) » qui combine  « trois grandes idées- maîtresses dans sa  ligne directrice, la femme, en tant qu’épicentre de la société africaine : ses déboires et ses mérites ; charpente en dessous de laquelle l’on décèle en filigrane, la richesse culturelle de l’Afrique auréolée par la prépondérance de la famille .. » dixit Cécile Dolisane Ebosse.

En 2000, j’ai fait la dédicace de L’Afrique, un défi au féminin à l’hôtel Sofitel d’Alger, en présence de nombreux journalistes. Le 10 mars 2002, j’ai été l’invitée Spéciale des Editions Casbah pour la journée Internationale des femmes, avec d’autres auteures algériennes au Palais de la Culture d’Alger. Le 20 mars 2003, j’étais l’invitée Spéciale du Centre Culturel Français à Alger pour la célébration de la journée de la Francophonie.

NYELENI Magazine: Pourquoi revenir sur deux ouvrages du célèbre écrivain Seydou Badian?

 Oumou Armand Diarra : En fait, Tradition et Modernité dans Le Sang des Masques de Seydou Badian et dans l’Honneur de la tribu paru aux Editions Fondation Fleur de lys au Canada, est une partie intégrante de ma thèse de Magistère présentée en Algérie. J’ai aussi fait  une contribution littéraire dont le titre est l’Expression des crises sociales et humaines dans les œuvres de Seydou Badian. Inscrite en thèse de Doctorat, je travaille sur une comparaison entre une œuvre de Seydou Badian et  La Condition  Humaine d’André Malraux.

NYELENI Magazine : Quel est le titre de votre dernier ouvrage et de quoi parle -t-il ?

Oumou Armand Diarra : Le témoin du temps est le titre de mon dernier livre. C’est un recueil de nouvelles, qui est centré sur le temps en tant que meilleur juge d’une situation ou d’une épreuve difficile vécue par un témoin, qui est par excellence le narrateur. L’histoire des personnages montre qu’il existe le temps d’une justice, d’une vérité. Cette évolution du temps a pourtant permis à certains hommes de se détacher des valeurs positives dans la société, ce qui explique l’apparition des crises sociales et humaines, la marginalisation des femmes, qui détiennent pourtant les clés du savoir traditionnel, le manque de solidarité, de considération dans le rapport avec l’autre, le manque d’humanisme. J’évoque la modernité, ses acquis dans la société avec la formation, l’éducation, l’apport économique de la femme au sein de son foyer. De même, la tradition avec ses aspects positifs comme la bonne conduite, l’honneur et la dignité. Face à cela, le mariage forcé, le mariage précoce, la pauvreté sont un frein à l’épanouissement de la femme. J’aborde également le sujet de l’émigration et son incidence.

Le recueil est structuré en vingt un récit narratif dont la plupart des personnages ont un rôle symbolique. Nous avons dans la structure des référents culturels et linguistiques. L’enchainement de plusieurs récits tient le lecteur en haleine. L’analyse thématique du recueil de nouvelles montre le déclin des valeurs établies. Chaque personnage véhicule un message dans lequel l’on peut ou ne pas se reconnaitre. Il pose le concept de l’humanisme face à l’injustice sociale, à l’égoïsme, la méchanceté, le culte de l’argent, le développement de l’individualisme qui a accru les inégalités sociales.

NYELENI Magazine: Vous êtes la présidente du réseau des femmes écrivaines du Mali et de la diaspora, à quoi sert ce réseau et combien de femmes écrivaines avez-vous maintenant ?

Oumou Armand Diarra : Le Réseau des Femmes écrivaines du Mali et de la Diaspora est un groupement de femmes auteurs d’ouvrages, genres littéraires : Roman, Nouvelle, Poésie, Théâtre, Essai, Conte, Articles de journaux et Bande Dessinée. Le réseau est apolitique, son but est de faire la promotion des femmes écrivaines et de leurs livres. Le réseau permet aussi de promouvoir les rencontres d’échanges littéraires, de redynamiser les activités des femmes écrivaines. Notre objectif est de tisser un lien étroit entre les écrivaines résidentes au Mali et celles de la Diaspora, en privilégiant  le partage de vision et des idées des femmes écrivaines, nous sommes à l’écoute de jeunes talents qui veulent initier des projets culturels, notre volonté est  de  mettre en valeur la créativité et l’innovation, de créer plusieurs partenariats avec les Fondations, les Grandes Entreprises, les écrivaines Etrangères, les Universités, les Ecoles, les Lycées, les Médias. Aujourd’hui, nous sommes à une centaine de membres au Mali et à l’étranger.

NYELENI Magazine: Quels sont les projets réalisés par le réseau ou des projets à venir?

Oumou Armand Diarra : Nous avons pu faire notre lancement le 24 Octobre 2020, à l’hôtel Azalaï. Nous avons un siège à Quinzambougou, ainsi qu’une bibliothèque. Notre association est active sur les réseaux sociaux. Nous avons un site web, nous sommes sur WhatsApp, LinkedIn, Facebook. Nous avons par ailleurs soutenu quelques écrivaines dans leurs projets d’écriture. Notre projet se déploie plus dans la philanthropie. Nous sommes en train de mettre en place un réseau de chaine de solidarité entre les écrivaines. La plupart des membres ont des associations culturelles ou des entreprises. Nous nous retrouvons à travers une cause commune qui est l’amélioration de la condition de toutes les femmes qui ont choisi l’écriture comme métier. Nous avons prévu un atelier, un séminaire, la formation de jeunes talents dans le domaine de l’écriture.

 NYELENI Magazine : Qui sont les partenaires du réseau?

Oumou Armand Diarra : Nous avons plusieurs partenaires. Lors de notre lancement, nous avons été soutenues par la Fondation Orange, ONU Femmes, TecnoLAB-ISTA, Complexe Scolaire Cogito. Nous avons été soutenues dans nos initiatives par l’ancienne ministre Dramé Kadiatou Konaré. Nous comptons avoir d’autres partenaires dans les jours à venir.

NYELENI Magazine: Comment faites-vous, pour concilier le rôle de mère, d’épouse et d’écrivaine?

Oumou Armand Diarra : Je pense qu’une femme doit plutôt s’organiser dans sa vie. J’ai eu quatre fonctions en Algérie. J’étais épouse de diplomate, en même temps épouse au foyer, étudiante, je continuais mes études et je m’occupais aussi de mes enfants. Je me réveillais à six heures du matin, je déposais mes enfants à sept heures trente à l’école, puis j’allais suivre mes cours.

A Treize heures, j’allais chercher mes enfants à l’école. A mon retour à la maison, je m’occupais de la cuisine, de l’organisation de la maison et de la famille. A partir de vingt-deux heures, je révisais mes cours du lendemain jusqu’à minuit. Dans la vie l’on ne peut rien avoir gratuitement. Il faut se battre pour se frayer un chemin. J’ai pu concilier toutes ces tâches grâce au soutien de mon époux. Une femme doit persévérer pour atteindre son objectif en comptant sur ses efforts personnels, sa Compétence, sa persévérance et l’humilité, cela m’a ouvert les portes.

NYELENI Magazine : L’écriture féminine a-t-elle un avenir au Mali ?

Oumou Armand Diarra : Je crois en l’avenir de l’écriture féminine, à partir du moment où les femmes s’investissent de plus en plus dans le domaine. Certes, il y a de nombreux problèmes aujourd’hui, car celles qui sont dans le domaine n’arrivent pas à vivre de leur métier. L’écriture est un travail comme tout autre. Dans les pays qui nous entourent, beaucoup d’écrivaines sont aidées par le mécénat des grandes entreprises. Il faut accompagner la femme dans ce métier. Nous avons de l’espoir, d’ici quelques années, tout ira pour le meilleur.

Je remercie toute l’équipe de NYELENI Magazine.

Propos recueillis par Maïmouna TRAORÉ

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