MAH DAMBA, UNE VOIX SUAVE DU MANDE PETRIE DE TALENT

«Hakili Kélé» est le nouvel album de la talentueuse cantatrice Mah Damba. Une œuvre bien accueillie par les critiques qui constatent que la fille du regretté Djéli Baba Sissoko (légendaire conteur) «continue de faire preuve d’un singulier esprit d’ouverture et d’un goût prononcé pour les rencontres musicales» !

Bon sang ne saurait mentir ! C’est la sentence des critiques qui ont eu le privilège de découvrir le nouvel opus de Djéli Mah Damba : «Hakili Kélé» (Buda Musique/Socadisc, 2019) ! Un opus de 11 titres (Taba, Dangana, Dambé, Kabako, Ntalo, Dondori, Korolen, Banga, Dalamané, Sosoly et Koulandjan) également bien accueilli par les mélomanes. Fille du légendaire griot-conteur Baba Sissoko (paix à son âme), Mah Damba fait ainsi son véritable grand retour dix ans après la disparition (en 2009) de son époux et complice de scène, Mamaye Kouyaté !

Initiée très tôt, au chant par sa tante paternelle, Fanta Damba, Mah a vite gagné ses galons de cantatrice (chanteuse et interprète des épopées) des différents terroirs du pays. Sa rencontre en 1979 avec le joueur de ngoni (petit luth à 4 cordes) Mamaye Kouyaté et son mariage l’année suivante, donnent naissance à un duo très apprécié au pays et, plus largement, dans l’Afrique de l’ouest. Le jeune couple aura son premier enfant en 1981.

Appelé à se produire à Paris dans les fêtes des membres de l’importante diaspora malienne, Mamaye Kouyaté s’installe finalement dans la capitale française en 1982. Mah Damba le rejoint l’année suivante. Ensemble, ils accompagnent les grands moments de la vie (naissance, circoncision, mariage…) des Maliens de France, voire d’Europe.

«Notre tout premier concert hors de la communauté a eu lieu à Lille, au Macumba» se souvient-elle en reconnaissant que tous ces moments sur scène lui ont donné l’envie d’élargir son univers musical, de l’enrichir de sonorités extérieures. «Il n’y a pas de frontière en musique. Si ma voix me permet de jouer avec d’autres, je dois y aller, je dois avancer sur ce chemin», lâche l’héritière d’une prestigieuse lignée de griots traditionnalistes en se confiant à nos confrères de RFI.

Le journaliste devenu organisateur d’Africolor (l’un des principaux festivals de musiques africaines en France) et directeur du label Cobalt, Philippe Conrath avait construit dans les années 1990 une de ses soirées au Théâtre Gérard-Philippe de Saint-Denis (banlieue parisienne) autour de Djéli Baba Sissoko et sa fille.

«Quand le concert a commencé, Mah n’était pas là. Son père était sur scène, chantant, racontant des histoires, des légendes comme il savait si bien le faire. Elle est arrivée avec 45 minutes de retard et est montée avec ses musiciens directement sur scène. Mah Damba n’avait pas su dire non et avait accepté de chanter dans un baptême pour une famille malienne. Son statut de griot avait pris le pas sur son engagement, sur le temps du concert», expliquait récemment ce dernier à nos confrères de RFI. «Pendant longtemps, jusqu’à ce qu’elle accepte de conjuguer les deux fonctions, on n’a plus travaillé ensemble. D’ailleurs, c’est quelque chose qui nous a beaucoup occupé dans les années 1990: comment aller au-delà de la tradition ?», a-t-il précisé 20 ans après.

En 2007, preuve de sa maturité et de son professionnalisme, Mah collaboré avec les chorales et l’orchestre des Metallos qui regroupent jusqu’à une centaine de choristes et musiciens. Elle a partagé avec eux son répertoire chanté en bambara. Quand en 2009, son compagnon vient à disparaître, Mah reste à Paris avec ses trois enfants, deux filles Sira (un talent prometteur), Woridio et Guimba, un virtuose instrumentiste.

Quelques mois plus tard, elle enregistre «A l’ombre du grand baobab», une œuvre inspirée par son désir de rencontres artistiques. «C’est quelque chose que j’ai en moi. Même au Mali, le son évolue…», a précisé pour la circonstance la chanteuse attristée par la situation chaotique du pays «On n’est pas né dans ça. Il faut qu’on arrête ça», espère-t-elle. D’ailleurs dans «Dambé» (valeurs), l’un de ses titres sur «Hakili Kélé», Mah Damba dénonce les méfaits de la guerre. «Ça ne fait pas partie de notre culture»,  conclut-elle.

Porteuse d’un héritage culturel séculaire, Mah Damba n’a donc jamais fermé la porte à la nouveauté. Et au fil de ce nouvel album, reconnaissent de nombreux criques, on mesure l’étendue de sa tessiture, capable de grimper les octaves comme de plonger dans les graves. Et comme l’indique l’un deux, «c’est justement cette voix, désormais légèrement éraillée par la patine du temps, puissamment ancrée dans une tradition qu’elle porte dans les tréfonds de sa gorge, qui fait toute la différence» !

Durant toute sa carrière, Mah Damba s’est toujours caractérisée par non seulement la beauté de sa puissante voix, mais aussi et surtout par l’originalité de son style inégalé !

Aïssata BA

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