LETTRE OUVERTE AUX HOMMES ET FEMMES POLITIQUES DU MALI

Chers voisins et parents.

Au Sénégal nous avons tenu des Assises Nationales en 2008-2009, qui ont généré une production riche en analyses diagnostics et recommandations pour une refondation du Sénégal après 50 ans d’une indépendance octroyée.

Malheureusement le gouvernement installé après l’alternance de 2012, n’a pas estimé propice de s’approprier le fruit de ce travail.

Je souhaite de tout cœur que cette initiative puisse vous inspirer.

Je me permets de vous écrire parce que je suis d’une certaine manière tout aussi Malien que Sénégalais. Je suis le neveu de Seydou Badian Kouyaté. Il avait épousé la sœur de ma mère. Son épouse Henriette Carvalho a accompagné tonton Seydou toute sa vie, durant ses années de prison et ses années d’exil tous deux dédiant leurs vies au Mali.

Puissent leurs âmes reposer en paix!

Ce qui se passe au Mali nous concerne donc tous.

Mais ce que je ne comprends pas c’est votre précipitation à vouloir revenir au pouvoir le plus rapidement possible sans avoir réglé les dysfonctionnements qui ont mené au soulèvement populaire et au coup d’état. Alors que la situation sécuritaire rend impossible l’organisation d’élections libres et transparentes sur toute l’étendue du territoire national.Serez vous en mesure de garantir que tous les Maliens seront en situation d’exercer leur droit de vote et donc de sceller la légitimité d’un nouveau régime?

Qu’est ce qui vous fait croire que vous ferez mieux que IBK si vous ne balisez pas ensemble au préalable les voies menant au développement à la justice à la paix et à l’indépendance sans tutelle ?

Croyez-vous que la volonté politique seule suffise à transformer le Mali si les fondamentaux ne sont pas remis à l’endroit et ce sans esprit partisan?

Ne voyez-vous pas que votre précipitation à vouloir revenir au pouvoir au plus tôt attire la suspicion ?

Démocratie ! Élections! Retour à l’ordre constitutionnel ! Ne voyez-vous pas que vous faites le jeu de la puissance coloniale en actant une division qui n’a pas lieu d’être?

D’autant plus que bien que la transition soit présidée par un soldat il n’y a point de dictature, les libertés n’ont pas été suspendues, la presse est libre et la justice fait son travail sans contraintes. Croyez-vous sincèrement que la France soit préoccupée par l’état de la démocratie au Mali? Ou ailleurs en Afrique ? Allons!

Partout même dans des pays en paix des élections sont reportées. Au Sénégal les élections locales ont été reportées de 3 ans Donc c’est quoi ce fétichisme autour d’une date butoir ?Et en quoi ça concerne la France ?Que des puissances extérieures puissent avoir des convoitises sur les richesses du Mali, soit. Mais aucune d’entre elles ne s’est octroyée la prérogative d’émettre des prescriptions politiques au régime de transition du Mali. De quel droit ?

Quant aux chefs d’états de la CEDEAO leur aversion aux chefs d’états militaires est louable. Mais elle serait plus crédible si une telle intransigeance se manifestait également vis à vis de leurs collègues civils qui truquent les élections violent l’ordre constitutionnel brutalisent leurs populations et érigent la corruption en mode de gouvernance. D’ailleurs certains militaires ne se sont-ils pas avérés plus vertueux au pouvoir que beaucoup de civils? Je pense à Seyni  Kountche, Jerry Rawlings et Thomas Sankara. Rappelons par ailleurs que la CEDEAO est née de l’initiative du Général Yakubu Gowon (Nigeria)et du Général Gnassingbe Eyadema (Togo),deux « putschistes »notoire. Lorsque le traite de Lagos a été adopté le 28 mai 1975 la moitié des signataires étaient des militaires. Doit-on laisser des crapules inféodées à la France et notoirement incompétentes présider aux destinées de nos peuples sous prétexte qu’elles ont gagné des élections toujours entachées de fraudes et de violences.

Il est temps que la CEDEAO revoie sa copie. Carton rouge!

Le Mali quant à lui fait face à une opportunité unique de changer le cours de l’histoire africaine mais certains de ses dirigeants politiques ont choisi de s’empêtrer dans leurs sempiternels calculs politiciens.

Le peuple malien mérite mieux que ça. Et in fine il demeure le seul souverain. Les chefs d’états de la CEDEAO peuvent accompagner et encourager une transition paisible et inclusive et pourquoi pas déployer des troupes pour combattre les bandes criminelles. Il ne leur appartient pas de se substituer au peuple malien qui a soutenu le changement de régime.

Là où les politiques et acteurs de la société civile sont attendus c’est dans un grand dialogue national pour refonder le pays et non pas des cris d’orfraies pour des élections immédiates.

Soyez à la hauteur de l’histoire glorieuse du Mali et montrez la voie à l’Afrique dans la sérénité et dans l’unité.

Penchez-vous  sur les maux profonds du pays et de la société et trouvez des solutions consensuelles sur le long terme. Il ne s’agit pas seulement de gagner la guerre mais de gagner la paix durablement. Ça prend du temps c’est vrai. Mais là est l’urgence.

L’urgence de l’Histoire.

La vraie urgence !

Pierre Sané

Intellectuel public engagé

Source photo: Page Facebook de l’auteur

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