Selon le rapport d’OXFAM, « Un an et demi après le début de la pandémie, les décès imputables à la faim dépassent ceux dus au virus. Les conflits en cours alliés aux bouleversements économiques provoqués par la pandémie et à une crise climatique qui s’accélère aggravent la pauvreté et l’insécurité alimentaire dans les foyers de faim extrême de par le monde et établissent des bastions dans les nouveaux épicentres de la faim ».
L’année dernière, Oxfam alertait dans son rapport « Le virus de la faim » que la faim risquait d’être encore plus meurtrière que la COVID-19. Cette année, 20 millions de personnes supplémentaires sont confrontées à des niveaux d’insécurité alimentaire extrêmes, pour un nouveau total de 155 millions de personnes réparties dans 55 pays. Depuis le début de la pandémie, le nombre de personnes vivant dans des conditions de famine a été multiplié par six atteignant plus de 520 000 individus .
Il est dit dans ce rapport que ce que « nous considérions comme une crise sanitaire mondiale s’est rapidement transformée en une crise alimentaire aiguë révélant les inégalités criantes de notre monde. Le pire reste à venir, à moins que les gouvernements ne s’attaquent de toute urgence et avec détermination à l’insécurité alimentaire et à ses causes profondes ». Et que maintenant, 11 personnes meurent probablement chaque minute de la faim à cause du cocktail explosif des trois « C » : les conflits, la COVID-19 et la crise climatique . Cette cadence est supérieure au taux de mortalité actuel dû à la pandémie, qui est de 7 personnes par minute.
Le rapport indexe les conflits comme la principale cause de la faim depuis que la pandémie s’est déclarée, plongeant près de 100 millions de personnes résidant dans 23 pays déchirés par un conflit, dans une insécurité alimentaire de niveau critique ou au-delà. Malgré les appels à un cessez-le-feu mondial pour permettre à l’humanité de l’emporter sur la pandémie, les conflits se sont poursuivis sans trêve. Alors même que les gouvernements devaient trouver de nouvelles sources de financement conséquentes pour lutter contre le coronavirus, les dépenses militaires dans le monde ont augmenté de 2,7 % l’année dernière, soit 51 milliards de dollars . Cette somme est 6,5 fois supérieure à l’appel humanitaire des Nations Unies pour la sécurité alimentaire de 2021, qui s’établit à 7,9 milliards de dollars. Les ventes d’armes se sont envolées dans certains des pays déchirés par un conflit et tiraillés par la faim. Par exemple, le Mali a augmenté ses achats d’armes de 669% depuis l’escalade de la violence en 2012.
Avec des graphiques, Oxfam démontre le niveau de l’insécurité alimentaire depuis les premiers jours de la pandémie, ainsi que des témoignages à travers le monde sur les conséquences économiques. Ainsi, «Le nombre de personnes vivant dans des conditions de famine a considérablement augmenté, atteignant 521 814 personnes en Éthiopie, à Madagascar, au Soudan du Sud et au Yémen. Cela correspond à une hausse de plus de 500 % depuis le début de la pandémie fin 2019, où 84 500 personnes au Yémen et au Soudan du Sud vivaient dans de telles conditions. La plupart des pays déplorant des niveaux de famine aussi catastrophiques ont connu des périodes prolongées de conflit, de violence et d’insécurité », selon le rapport.
Et ces conséquences économiques de la COVID-19 sont le deuxième principal facteur de la crise alimentaire mondiale, aggravant la pauvreté et révélant les inégalités croissantes partout dans le monde. Le nombre de personnes en situation d’extrême pauvreté devrait atteindre 745 millions fin 2021, soit une hausse de 100 millions de personnes depuis le début de la pandémie. Les groupes marginalisés, surtout les femmes, les personnes déplacées et les travailleurs et travailleuses du secteur informel, sont les plus durement touchés. 2,7 milliards de personnes n’ont reçu aucune aide financière publique pour faire face à l’effondrement de l’économie provoqué par la pandémie . Dans le même temps, les grandes fortunes ont continué de s’enrichir pendant la pandémie.
La fortune des 10 personnes les plus riches (dont neuf sont des hommes) a augmenté de 413 milliards de dollars l’année dernière, soit plus de 11 fois la somme totale de l’appel humanitaire des Nations Unies pour 2021. Enfin, le troisième facteur aggravant la faim dans le monde cette année est le changement climatique. Près de 400 catastrophes météorologiques, notamment des inondations et des tempêtes record, ont continué de frapper des millions de personnes en Amérique centrale, en Asie du Sud-Est et dans la Corne de l’Afrique, où les communautés étaient déjà affaiblies par les conflits et la pauvreté en lien avec la COVID-19.
Le présent rapport explore la manière dont les conflits permanents, les chocs économiques aggravés par la pandémie et la crise climatique qui s’accélère précipitent des millions de personnes supplémentaires dans des niveaux de faim extrême et comment ce chiffre devrait encore augmenter, à moins de prendre des mesures de toute urgence. Il revient sur certains des foyers de faim extrême et émergents dans le monde depuis le rapport « Le virus de la faim» de l’année dernière, révélant que la faim s’est aggravée dans la quasi-totalité d’entre eux.` Les dix (10) pays les plus touchés sont:Yémen qui à lui seul à 15,9 millions de personnes touchées soit 53% de sa population, la République démocratique du Congo, Afghanistan, Venezuela, Éthiopie, Soudan du Sud, Syrie, Soudan, Haïti et la région sahélienne de l’Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria et Sénégal). Ainsi que les foyers de faim émergeants en Afrique du Sud, au Brésil et en Inde.
POUR OXFAM, LA FAIM PEUT ETRE ÉRADIQUÉE DANS LE MONDE ET POUR CELA, LES ACTIONS REQUISES SONT LES SUIVANTES :
La faim ne pourra être éradiquée qu’à condition que des mesures collectives drastiques soient prises pour mettre fin aux injustices sous-jacentes qui exacerbent la faim. Alors que les gouvernements se remettent sur pied après la pandémie de coronavirus, sept actions urgentes sont nécessaires pour mettre un terme à la crise alimentaire croissante et bâtir des systèmes alimentaires plus justes et durables qui fonctionnent pour toutes et tous :
1. Déployer une aide d’urgence pour sauver des vies maintenant : Les gouvernements donateurs doivent financer en totalité l’appel des Nations Unies pour la sécurité alimentaire mondiale et veiller à ce que cette aide bénéficie directement aux personnes les plus durement touchées. Les gouvernements doivent également renforcer la protection sociale, notamment en finançant un fonds mondial de protection sociale , et aider les petits agriculteurs et petites agricultrices et les éleveurs et éleveuses à renouveler leur bétail et à préparer les prochaines semailles.
2. Veiller à ce que l’aide humanitaire atteigne les populations : Les belligérants doivent faciliter l’accès humanitaire immédiat pour aider à sauver les populations civiles de la faim. En cas de blocage de l’aide, la communauté internationale doit prendre des mesures pour éviter que la faim ne soit utilisée comme arme de guerre et doit mettre les auteur-e-s face à leurs responsabilités.
3. Bâtir une paix inclusive et durable : Les belligérants doivent bâtir une paix inclusive et durable qui donne la priorité à la sécurité humaine et qui réponde à l’urgence de la faim dans les pays en proie aux conflits. Les dirigeant·e·s doivent tenir leur engagement d’inclure les groupes marginalisés, y compris les jeunes, les femmes et les minorités, dans les processus de paix. Il a été observé que les cessez-le-feu duraient plus longtemps et étaient mieux respectés lorsque des femmes participaient aux négociations .
4. Construire des systèmes alimentaires plus justes, plus résilient et plus durables : Les gouvernements doivent s’engager à prendre des mesures ambitieuses à l’occasion du prochain Comité de la sécurité alimentaire mondiale qui se tiendra en octobre afin de coordonner les mesures visant à axer le relèvement post-pandémie sur des systèmes alimentaires équitables, paritaires, résilient et durables. Les gouvernements et le secteur privé doivent également intensifier les investissements dans la production alimentaire à petite échelle et agro-écologique, s’assurer que les productrices et les producteurs bénéficient d’une rémunération équitable en établissant des prix minimum et d’autres types de mécanismes de soutien, et s’assurer que les travailleuses et les travailleurs perçoivent un salaire décent.
5. Promouvoir le leadership des femmes dans la création de solutions face à la COVID-19 : Les femmes doivent avoir l’opportunité d’influer sur les décisions concernant la réponse et le relèvement de la pandémie, y compris pour remédier aux défaillances de notre système alimentaire. Des mesures sont également requises pour lutter contre les discriminations à l’encontre des productrices alimentaires, notamment en matière d’accès aux terres, aux marchés, à l’information, au crédit, aux services de vulgarisation et aux technologies.
6. Soutenir un vaccin pour tou·te·s : Afin de contribuer à empêcher que de nouveaux variants du virus ne menacent la santé du monde et son économie, les gouvernements du G7 doivent mettre fin aux monopoles pharmaceutiques sur les vaccins contre la COVID-19 pour aider les pays en développement à vacciner leurs populations et éviter que des millions d’autres ne sombrent dans l’extrême pauvreté.
7. Prendre des mesures urgentes pour lutter contre la crise climatique : En amont du sommet sur le climat qui se tiendra en décembre de cette année, les nations riches et polluantes doivent réduire drastiquement leurs émissions, maintenir la hausse des températures dans le monde en deçà de 1,5 degré et aider les petits producteurs et petites productrices alimentaires à s’adapter au changement climatique .
LES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS SPÉCIFIQUES POUR L’AFRIQUE DE L’OUEST
La grave détérioration de la sécurité alimentaire dans les deux dernières années répond à des éléments structurels (pauvreté endémique, malnutrition chronique, vulnérabilité climatique…) auxquels viennent s’ajouter les « 3C », parmi lesquelles le principal facteur dans le cas du Sahel est sans aucun doute le conflit. Les cartes de l’insécurité alimentaire et sécuritaire se recoupent, dans une crise sans précédents d’après les analyses du Cadre Harmonisé, aggravée par l’impact de la COVID-19 et la crise climatique.
La gestion de la crise alimentaire de 2020 avait dévoilé un manque de financements des plans de réponse face à une demande d’assistance alimentaire croissante. Face à ces besoins colossaux et urgents, il est urgent que les États de la région avec le soutien des partenaires régionaux et internationaux :
- Fournissent une aide d’urgence aux plus vulnérables pour sauver des vies tout en les accompagnant dans la reconstruction de leurs moyens d’existence notamment en renforçant, en étendant et en adaptant les filets sociaux de sécurité alimentaires aux nouvelle vulnérabilité et contextes de crise.
- Garantissent l’accès de l’aide humanitaire aux populations dans le respect des principes humanitaires. Lorsque l’aide est bloquée, la communauté internationale doit agir pour mettre fin à l’utilisation de la faim comme arme de guerre et demander des comptes aux responsables.
- Priorisent les approches de paix positive et inclusive visant à répondre aux causes motrices de conflits et protéger l’ensemble des populations : Les parties belligérantes doivent forger une paix inclusive et durable qui donne la priorité à la sécurité humaine et répond à insécurité alimentaire et nutritionnelle dans les pays touchés par les conflits. Les dirigeants doivent tenir leurs engagements d’inclure les groupes marginalisés, notamment les jeunes, les femmes et les minorités, dans les processus de paix. Il a été démontré que les cessez-le- feu durent plus longtemps et sont plus efficaces lorsque les femmes participent activement aux négociations.
- S’engagent à construire des systèmes alimentaires plus justes, plus résiliants et plus durables en portant la question au prochain sommet mondial des systèmes alimentaires et en intensifiant les investissements dans la production alimentaire à petite échelle et agro- écologique, et en établissant des prix minimums à la production et d’autres mécanismes de soutien, et s’assurer que les travailleurs gagnent un salaire décent.
- Lutter contre les inégalités. Les gouvernements d’Afrique de l’Ouest devraient donner la priorité à la gratuité des soins de santé publics, à la protection sociale, à des salaires décents et un système fiscal équitable. Ce sont des mesures qui ont fait leurs preuves dans la lutte contre les inégalités et qui pourront permettre aux personnes plus vulnérables de mieux faire face aux multiples crises dans la région.
- Prennent des mesures urgentes, équitables et consultatives pour mitiger les effets du changement climatique et aider les producteurs et éleveurs, en particuliers les femmes et les plus pauvres à s’adapter au changement climatique.
Source: Rapport Oxfam « Le virus et la faim »