Aminata Kola TALL a 41 ans et mère de trois enfants dont l’un est autiste. Ses enfants, elle les élève seule à Nancy dans le Grant Est, de la France. Aminata kola Tall est titulaire d’un Master 2 (Recherche) de Droit Public International, obtenu à l’Université de la même ville. Fondatrice de centres s’occupant des enfants autistes en France et au Mali, elle prodigue aussi des conseils aux parents d’enfants autistes. Aminata est membre du Réseau des femmes écrivains du Mali et de la Diaspora (RFEMD). Elle a publié son premier poème « FEMME » en 1995 et un recueil de poème « RECTO-VERSO » en 2020.
NYELENI Magazine : Qui est Aminata Kola Tall ?
Aminata Kola Tall : Je suis née et j’ai grandi au Mali mais mes études m’ont conduite à Nancy dans le Grant Est et le «grand froid » où je vis depuis septembre 2005 date de mon entrée en France. Je suis très attachée à la culture et aux traditions africaines en générale et maliennes en particulier, car j’ai appris nos valeurs ancestrales dès le bas âge au Wassoulou, où j’ai dû habiter pendant les sept premières années de ma vie, à cause du travail de mon père qui était Docteur Vétérinaire, Ingénieur Agronome et Directeur d’un projet de préservation d’une race bovine( le N’DAMA) qui était en voie d’extinction. Ce projet était basé à Madina Diassa, dans l’arrondissement de Yorobougoula et cercle de Yanfolila. C’est aussi dans ces mêmes lieux que j’ai eu l’immense chance de pouvoir voir des animaux de toutes sortes sans être dans un zoo et d’avoir été soignée pour l’otite par la graisse de python( le meilleur des remèdes contre cette infection des oreilles). Depuis toute petite, mon ambition était de pouvoir représenter le Mali au sein de l’Organisation des Nations Unies en tant que Fonctionnaire International d’où mes études dans ce domaine, mais le destin m’a tracé un autre chemin.
NYELENI Magazine : c’est quoi ce tour joué par le destin ?
Aminata Kola Tall : Mon premier enfant dont le papa est décédé quand il n’avait que 23 mois, a été diagnostiqué autiste. Je venais de m’inscrire pour faire une thèse en lien avec les Normes du Droit International et le Développement Durable au Mali, mais face à la gravité de ses troubles et au devoir de prendre seule des responsabilités le concernant, j’ai dû renoncer à mes études et j’ai fait le choix amer de rester en France où je n’étais venue que pour une année, afin qu’il puisse bénéficier d’une bonne prise en charge qui n’aurait pas pu être possible au Mali. Je me suis donc concentrée sur toute l’aide que je pouvais et devais lui apporter pour qu’il puisse s’épanouir et devenir autonome. J’ai dû renoncer à ma carrière rêvée et mis de côté tous mes rêves afin qu’il puisse, lui, progresser. En même temps que je m’occupais de lui, j’ai créé deux associations dont l’une ici en France et l’autre au Mali pour pouvoir partager mes expériences de « parents d’enfant autiste » avec d’autres qui se retrouvent complètement démunis souvent à l’annonce du diagnostic et ont besoin de soutien et d’être guidés et orientés. Cette mission que je me suis donnée m’a conduite à créer un centre à Bamako, où intervenaient des spécialistes, mais que j’ai été contrainte de fermer après 4 ans, par manque de subventions, car le centre fonctionnait sur fonds personnels mais je n’ai pas renoncé à ce projet que je compte relancer dès que j’aurais des partenaires prêts à injecter les fonds nécessaires pour la réouverture. De la création des deux associations à nos jours j’ai pu donner des interviews dans la presse écrite et à la télé dans le cadre de la sensibilisation à l’autisme et accompagner une centaine de familles à travers le monde( Mali, France, Canada, États-Unis, Allemagne, Burkina Faso, Côte d’Ivoire etc.). J’ai aussi pu faire des dons à des enfants autistes.
NYELENI Magazine : Avec toutes ces difficultés, comment êtes-vous arrivée à écrire
Aminata Kola Tall : Tout en m’occupant seule de mon fils, je ne pouvais pas travailler comme je le voulais. Mes journées dépendaient de comment furent ses nuits. J’ai donc décidé de travailler à mi-temps auprès d’enfants et de personnes âgées. C’est ainsi, qu’un jour on m’a envoyé travailler chez une femme âgée, qui est Artiste-peintre. Je partageais avec elle ma passion de l’art. Elle peignait de magnifiques tableaux. Je lui ai expliqué que moi aussi je suis artiste et que j’écrivais. Elle m’a encouragée à partager mes textes avec elle et grâce à eux, elle a pu oublier l’espace d’une journée son arthrose qui la clouait à son lit. C’est donc cette dame qui après avoir lu mes poèmes m’a affirmé que « ceux-ci ne pouvaient pas rester dans l’ombre ». Elle m’a vivement encouragée à chercher un éditeur pour pouvoir les faire publier et découvrir au reste du monde, ce que je fis.
NYELENI Magazine : Vous avez publiés quelle œuvre ?
Aminata Kola Tall : Mon premier recueil de poème intitulé RECTO-VERSO aux Éditions du Panthéon le 20 juillet 2020. Je l’ai terminé pendant le premier confinement, car il fallait que je me trouve une activité qui me plaît et qui m’empêche de passer outre l’enfermement que je ne supporte pas du tout car j’en ai la phobie. Ce livre est l’aboutissement de 25 années, de travail car j’écris depuis l’adolescence, mon tout premier poème qui s’intitule FEMME a été écrit en 1995. Depuis sa sortie je n’ai pu en faire la promotion pour le moment, que sur les réseaux sociaux et dans le magazine de la femme africaine et antillaise « AMINA ». J’aimerais le faire découvrir sur le continent africain et pourquoi pas le voir un jour sélectionné parmi les livres à lire dans des écoles.
NYELENI Magazine : L’écriture représente quoi pour vous ?
Aminata Kola Tall : L’écriture est une passion pour moi. Et elle m’a « sauvée », car j’ai toujours pu écrire ce que je n’osais dire à personne. J’ai pu ainsi surmonter le veuvage et faire face à l’autisme de mon enfant et pour tous ceux qui me connaissent bien je suis une « Femme brave », mais moi, je me définis comme faisant partie de ceux qui sont obligés de SE BATTRE POUR EXISTER . J’ai eu comme exemple ma mère qui a servi presque pendant trois décennies au plus haut sommet de l’État malien et qui m’a montré à travers son courage, son abnégation et son travail acharné en tant que fonctionnaire, épouse et mère, ce que j’ai pu expliquer dans le texte intitulé « ELLE », à la page 66 de mon livre en parlant de moi-même qu’ «…Une lionne n’a d’autres choix que de bondir ou rebondir,
Lorsqu’elle se retrouve face à cette immensité et qu’elle s’interdit de baisser les yeux, d’avoir la tête dans la boue et qu’on l’étouffe à petit feu!».
NYELENI Magazine :A quel moment trouvez-vous le temps d’écrire ?
Aminata Kola Tall : Je ne prévois pas de moments d’écriture car pour ma part, cela ressemble à un « don ». Je pourrais écrire partout et à n’importe quel moment et je ne choisis pas non plus mes thèmes. La preuve c’est que j’écris mes textes en général en cinq minutes maximum et après seulement, je leur choisis des titres selon leur contenu. Pour cela je garde toujours sur moi un stylo et un carnet. Mon inspiration lorsqu’elle est là fait pleuvoir les mots et les vers comme si j’écrivais un texte déjà lu. J’avoue que cela m’étonne moi-même au plus haut point, ainsi que mes proches qui ont eu l’occasion de me voir écrire.
NYELENI Magazine : Quel conseil avez-vous pour les parents d’enfants autistes, avec tout ce qui court comme rumeurs sur ces enfants dans nos contrées ?
Aminata Kola Tall : Je leur dirais en premier lieu que l’autisme représente une différence et que nous demeurons tous des êtres humains avec des droits, puisqu’on n’en guérit pas, il est primordial de rester concentrer sur son enfant pour pouvoir l’aider au mieux. Les premiers Médecins d’un enfant autiste sont ses parents qui doivent le stimuler sans arrêt afin qu’il puisse être « autonome » car il s’agit là d’une condition existentielle, un objectif à atteindre pour mieux vivre et ne dépendre de personne. Je leur dirais que notre société n’est pas tendre avec ceux qui sont en situation de handicap et qu’il faut se battre pour changer le regard sur eux et faire comprendre qu’ils ont droit au respect.
NYELENI Magazine : Pensez-vous que l’égalité du genre pourra un jour être un fait au Mali ?
Aminata Kola Tall : (rire) Cette expression pour moi constitue un emprunt. Ce qui m’étonne c’est qu’on oublie que d’antan la femme avait plus de pouvoir dans nos sociétés africaines. La preuve, c’est qu’au Mali par exemple, l’enfant portait le nom ou le prénom de la maman. La femme ne pourra jamais être l’égale de l’homme dans nos sociétés, car elle est bien au-dessus de lui, sans qu’on le dise, de manière voilée mais c’est l’Occident qui veut faire croire que la femme africaine notamment malienne, n’est pas reconnue à sa juste valeur. Beaucoup de décisions des hommes proviennent des échanges d’avec leurs compagnes la nuit précédente.
Propos recueillis par Maïmouna TRAORÉ