Prix Nkwamé Nkrumah de l’Union Africaine pour les femmes scientifiques, édition 2016

LE MALI HONORE A TRAVERS LE PROFESSEUR ROKIA SANOGO

Le 24 janvier dernier, au siège de l’Union Africaine (UA) à Addis Abeba, notre compatriote, le Pr. Rokia Sanogo, première femme agrégée en pharmacie du pays, a reçu le Prix Nkwamé Nkrumah de l’Union Africaine pour les femmes scientifiques, édition 2016. C’est son attachement à la valorisation des plantes médicinales depuis près de trois décennies qui a aujourd’hui payé. La cérémonie a eu lieu au cours du 9ème pré-sommet genre de l’Union Africaine, en présence de Mme le ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille,en présence de l’ambassadeur du Mali en Ethiopie, de Me Soyata Maïga de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des peuples, du Vice-recteur de l’Université des Sciences techniques et des Technologies de Bamako, de femmes chercheures, paysannes et de la société civile. A son retour, nous nous sommes entretenus avec elle. Lisez.

Propos recueillis par Maïmouna TRAORE

NYELENI Magazine : Quelle impression vous a animée à la réception de ce prestigieux prix?

Pr Rokia Sanogo: Une très grande émotion, doublée d’une immense fierté primaires). J’ai cité le Pr Mamadou Koumaré, notre père académique et de recherche sur les ressources de la pharmacopée africaine au Mali, à travers lui tous mes maîtres et prédécesseurs qui ont enseigné la Pharmacognosie et dirigé le Dé- partement Médecine Traditionnelle de 1968 à Mars 2016. J’ai aussi pensé à tout le personnel technique d’appui, à qui revient la tâche noble de nous assister de- puis étudiant et qui encore aujourd’hui continue à travailler sous notre responsabilité, comme chef de Département. Un grand merci à tous/toutes ceux/celles pour les soutiens multiformes.

NYELENI Magazine: Ce jour vous avez pensé certainement au grand-père chasseur et thérapeute traditionnel que fut le vôtre?

Pr Rokia Sanogo : Oui j’ai pensé à mon grand grand-père chasseur et Praticien de la Médecine Traditionnelle, à mon père, qui a donné la chance à tous ses enfants (filles et garçons) d’aller à l’école, qui est décédé il y a juste un an  avant ce prix, à ma très chère maman, que j’ai perdu très tôt en 1992, à seule- ment quatre mois du début de ma spécialisation en Pharmaco- gnosie à Messine en Italie. Une pensée spéciale et un grand merci aux Praticiens de la Médicine Traditionnelle pour leur disponibilité et pour toutes les informations précieuses depuis mes premières enquêtes pour les travaux de ma thèse d’exercice en Pharmacie sur “Les méthodes traditionnelles de contraception en milieu Bamanan, Soninké et Senoufo au Mali”.

NYELENI Magazine: Qu’allez-vous faire de ces 20 000 dollars?

Pr Rokia Sanogo : Le renforcement des capacités afin de continuer nos activités de formation et de recherche.

NYELENI Magazine: Y a-t-il des jeunes filles scientifiques qui sui- vent déjà vos traces?

Pr Rokia Sanogo: Oui, il y a de nombreuses jeunes filles et aussi de jeunes garçons qui ont déjà fait leurs thèses et mémoires sous notre responsabilité. Ils veulent suivre nos traces, la preuve, elles/ils jouent actuellement les rôles assistantes/assistants bénévoles. Nous avons actuellement six (6) jeunes filles sur dix (10) étudiants en thèse au ni- veau du Département Médecine Traditionnelle. Nous allons, dans le respect des voies hiérarchiques, soumettre nos propositions et solliciter auprès des hautes autorités maliennes des conseils, suggestions et des appuis, dans la perspective de réunir les conditions qui permettent le maintien des jeunes dans les sciences et techniques en général et en particulier pour celles/ceux qui veulent suivre nos traces dans la recherche sur la pharmacopée africaine. de porter haut le flambeau de la formation et de la recherche sur la pharmacopée africaine sous le regard des fondateurs du panafricanisme. C’est ainsi que j’ai dédié le prix au peuple malien et rendu hommage au Président Modibo Kéïta pour la création d’un Institut National de Recherche sur la Pharmacopée Africaine au Mali en 1968. Je n’ai pas oublié le Dr Sominé Dolo (le tout premier Ministre de la Santé du Mali indépendant), qui, déjà en 1957, a mis un accent sur la prise en compte des ressources de la médecine et de la pharmacopée traditionnelle dans les soins de santé primaires (plus de 20 ans avant la déclaration de l’OMS à Alma Ata en 1978 sur la médecine traditionnelle et les soins de santé.

NYELENI Magazine: Selon vous, qu’est-ce qui bloque l’avancée en grand nombre des filles dans le domaine scientifique?

Pr Rokia Sanogo: Le blocage de l’avancée ou de l’arrivée en grand nombre des filles dans le domaine scientifique est lié à l’environnement socioprofessionnel. Il faut un réel changement de mentalité et adopter des mesures de discrimination positive, des mesures d’accompagnement, d’écoute et de tutorats réels et tout cela dans une solidarité agissante. C’est le lieu de rappeler que, personnellement, j’ai bénéficié de la solidarité collective de certaines femmes scientifiques présentes aux assises de la recherche scientifique en Mai 2016 (notamment les grandes sœurs Pr Djénéba TRAORE, Dr Sitan TRAORE et Dr Ténin Aoua THIERO SANGARE) et de celles des organisations de femmes scientifiques réconfortées par le Ministère de la re- cherche scientifique. UN GRAND MERCI! En plus de la solidarité et des encouragements de ces grandes sœurs, ce prix a été possible grâce à l’assistance de l’équipe d’Aidemet ONG. J’ai là, l’occasion de dire que dernière moi, il y a un grand homme, Dr Sergio GIANI, mon époux, mon premier soutien, conseiller et assistant personnel. Bien merci pour le soutien multi- forme. Bien merci à ma famille notamment mes petits-enfants: filles Marisol et Awa Tina et Check Saro qui se plaignent que je travaille trop, ce qui m’empêche de leur consacrer plus de temps. C’est peut être vrai, mais c’est un choix et une exigence pour tout scientifique, tout chercheur.

NYELENI Magazine : Vous avez été un acteur important dans la lutte pour l’avènement de la démocratie dans notre pays dans les années 90, première femme agrégée et titulaire en Pharmacie au Mali, quel conseil pour les jeunes d’aujourd’hui?

Pr Rokia Sanogo: Mes conseils pour les jeunes, c’est d’avoir confiance en soi. Etudier pour avoir une compétence qui leur permettra de travailler réelle- ment et d’apporter leur contribution au processus de la construction nationale. De ne pas brûler des étapes, d’avoir la patience d’apprendre auprès de celles et ceux qui ont de l’expérience. Je de- mande aux jeunes d’exiger l’accès à la formation nécessaire pour être auto- nomes et travailler. Dire non à la facilité, au gain facile. Refuser le conflit de générations (il ne peut pas y avoir de conflit entre les jeunes et leurs parents). Les parents ont des droits et des devoirs envers les jeunes et, en retour, les jeunes ont aussi des obligations et des devoirs. Il y a lieu de prendre conscience de tout cela dans l’intérêt collectif. Il est important de mettre en avant l’intérêt collectif, le leadership collectif, la solidarité qui peut faire émerger le leadership individuel. Nous avons contribué à l’avènement de la démocratie en mars 1991, notre sou- hait n’était pas de vivre la crise de 2012, qui est le résultat de l’échec de la politique menée de 1992 à 2012. En 2012, notre mobilisation pour le changement avec les patriotes dans l’intérêt collectif du Mali, est la suite logique de mars1991. Militante de la démocratie, de l’émancipation de la femme, mon engagement politique pour le Mali, s’exerce au sein du parti Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance (SADI) comme (Secrétaire général) et les mouvements populaires pour le changement.

NYELENI Magazine : Quel est le sou- bassement de votre passion pour les sciences?

Pr Rokia Sanogo: C’’est mon engagement pour la valorisation des ressources de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles. C’est ce que j’ai appris, c’est ce que je sais faire. Mon souhait, c’est de former des jeunes et de leur transmettre l’amour de la recherche sur la médecine traditionnelle qui est une grande richesse de notre patrimoine culturel, dont l’exploitation judicieuse peut contribuer au renforcement des systèmes locaux de santé et au développement durable des communautés de base de notre pays. En perspective, j’entends continuer à travailler pour le renforcement de l’enseignement de base en Pharmacie dans l’espace CEDEAO dans le cadre du programme de la Médecine traditionnelle de l’Organisation Ouest Africaine de Santé et les curricula harmonisés pour la formation du personnel socio sanitaire de l’espace CEDEAO. J’aimerai bien ainsi m’approprier l’esprit du Prix Scientifique Kwamé Nkrumah de l’Union Africaine, une opportunité, qui nous renforce dans le processus de capitalisation des riches expériences accumulées, la valorisation des nombreuses compétences qui existent, ainsi que les différentes opportunités qui se présentent, pour parvenir à la création d’une plateforme pluridisciplinaire autonome de formation, de recherche et de développement pour la valorisation des ressources de la Médecine Traditionnelle, avec la pleine implication des dépositaires des savoirs traditionnels de santé au service du développement de l’Afrique selon le discours du Président Kwamé Nkrumah à Addis-Ababa, le 24 Mai1963.

L’extrait du discours du Président ghanéen Kwamé Nkrumah, prononcé le 24 Mai 1963 à la fondation de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA): « Nous accumulerons le matériel industriel, nous pourrons créer des aciéries, des fonderies de fer et des usines ; nous unirons les divers Etats de notre continent en créant des voies de communication ; nous étonnerons le monde avec notre puissance hydro-électrique ; nous assécherons les marais et les marécages, nous purifierons les zones infestées, nous nourrissons ceux qui sont carencés, nous débarrasserons nos populations des parasites et les maladies. Il est au pouvoir de la science et de la technique de faire fleurir le Sahara lui- même et de le transformer en un vaste champ cultivé, porteur d’une végétation verdoyante pour notre expansion agricole et industrielle »

Le Mali a été doublement honoré à Addis-Abeba, car avant le prix Kwamé Nkrumah pour la science dé- cerné au Pr Rokia Sanogo, le 23 janvier déjà, en marge du pré-sommet de l’Union Africaine sur l’intégration du genre dans les Etats membres, deux autres pionnières de la lutte pour l’égalité et l’équité du genre ont reçu le Prix Continental sur le Genre décerné par l’Organisation panafri- caine des femmes (OPF). IL s’agit de feue Fatoumata Siré Diakité et Me Soyata Maïga, de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

17 thoughts on “Prix Nkwamé Nkrumah de l’Union Africaine pour les femmes scientifiques, édition 2016

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