COUVRIR LE DERNIER KILOMÈTRE POUR AIDER LES AGRICULTEURS AFRICAINS À SURMONTER LA CRISE DE LA COVID-19

La pandémie de COVID-19 a eu des conséquences dévastatrices pour les petits exploitants agricoles africains. Dans certains pays, la désorganisation des chaînes d’approvisionnement a compliqué l’accès aux semences, engrais et services, empêchant les agriculteurs d’être prêts à temps pour les périodes de végétation. Ailleurs, les restrictions sur les déplacements les empêchent toujours de se rendre sur les marchés pour écouler leurs produits. Les organismes publics et les agences de crédit privées ont encore réduit leur aide, déjà limitée, aux petits exploitants.

Un fermier collecte sa récolte près de Kisumu, Kenya. Photo: Peter Kapuscinski/Banque mondiale

Les conditions imposées par la pandémie ont conduit de plus en plus d’agriculteurs africains à se tourner vers une agriculture d’avenir, basée sur le numérique, malgré des lacunes évidentes. Constat positif, le commerce en ligne a renforcé l’efficacité des marchés dans les filières agricoles, amélioré les revenus et les moyens de subsistance des agriculteurs et créé de nouveaux emplois et débouchés dans l’agriculture et les secteurs connexes (a).

Pendant la pandémie, les achats en ligne ont gagné en popularité auprès d’une clientèle soucieuse de respecter les consignes de distanciation sociale. Un phénomène qui a donné un véritable élan au commerce électronique de produits agricoles, y compris en Afrique. Au Kenya, pour faciliter les achats et les paiements dématérialisés pendant la crise sanitaire, la banque centrale a imposé aux fournisseurs de services d’argent mobile une exonération de frais pour les transactions inférieures à l’équivalent de 10 dollars, soit environ 80 % des opérations réalisées dans le pays.

Au Rwanda, le gouvernement a recommandé à la population de recourir aux plateformes de commerce en ligne pendant le confinement, y compris pour l’achat de produits frais issus des exploitations locales. Et au Nigéria, de nouvelles plateformes, comme Farmcrowdy Foods, ont permis de rapprocher les agriculteurs des consommateurs.

Les filières agricoles numériques offrant plus de transparence et impliquant moins d’intermédiaires que les systèmes traditionnels, les agriculteurs peuvent toucher davantage de clients potentiels et accroître leurs marges. De plus, ces modèles économiques contribuent à réduire le gâchis alimentaire, en permettant aux exploitants d’écouler leurs produits pendant la saison des récoltes, au lieu de crouler sous les invendus.

Pour autant, le commerce en ligne de produits agricoles présente certaines failles critiques qui ralentissent son expansion sur le continent.

Voici les trois freins les plus importants …

  1. L’absence de systèmes efficaces de transport en milieu rural :la plupart des plateformes de commerce en ligne ne travaillent qu’avec les agriculteurs installés en zones périurbaines autour d’une poignée de grandes villes. Les agriculteurs des zones rurales isolées ne peuvent pas bénéficier de ces services du fait de coûts de transport trop élevés.
  2. Le manque d’installations et de services logistiques :en général, les start-up africaines spécialisées dans le commerce en ligne doivent investir dans leurs propres entrepôts, flottes de camions et chaînes du froid. Ces dépenses d’investissement mobilisent une partie de leurs ressources et les empêchent de croître au profit d’un plus grand nombre d’agriculteurs. Sur les marchés matures, ces entreprises peuvent louer et utiliser des services de stockage et de logistique compétitifs.
  3. Le faible niveau des stocks :les grands acteurs africains du commerce en ligne, comme Konga et Kilimall, ont bien intégré les produits agricoles ou les légumes sur leurs plateformes, mais se trouvent dans l’incapacité de concrétiser cette offre, faute de trouver des fournisseurs suffisamment fiables. Cette faiblesse des stocks est en grande partie due au fait que la plupart des exploitations agricoles africaines ne sont pas organisées de manière moderne. Elles ne produisent pas suffisamment pour obtenir des économies d’échelle ou ne parviennent pas à respecter les critères commerciaux en matière de normes de qualité.

… et trois solutions que peuvent apporter les pouvoirs publics

  1. Investir pour relier le dernier kilomètre :depuis quelques années, les gouvernements africains et leurs partenaires du développement, notamment la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, ont fait des investissements sans précédent dans les infrastructures matérielles et numériques. Ces aménagements sont vitaux, mais le raccordement du dernier kilomètre (des pôles d’activité et des grands axes routiers jusqu’aux exploitations individuelles) reste encore problématique dans de nombreuses zones rurales. Les gouvernements, les entreprises de commerce en ligne et les banques de développement peuvent s’employer ensemble à cibler les investissements sur ces connexions rurales. À commencer par la construction de voies de desserte reliant les agriculteurs aux plateformes logistiques installées à proximité d’une voie de chemin de fer ou d’une grande route, afin d’acheminer les produits jusqu’aux négociants et aux consommateurs.
  2. Bâtir un écosystème solide pour le commerce en ligne :l’Afrique ne manque pas de plateformes : en 2019, on dénombrait 631 marchés en ligne (a) gérant 1 900 sites web dans 58 pays et territoires du continent. Le problème est plutôt lié à un écosystème peu performant, en particulier sur le plan de la logistique, des financements et du marketing numérique. Les pouvoirs publics peuvent s’associer au secteur privé pour privilégier la construction d’entrepôts, de centres de logistique et de réseaux d’approvisionnement intelligents guidés par les données. Cela impliquera sans doute une réforme des régimes fiscaux afin de favoriser les investissements privés dans ces secteurs. Une fois ces équipements disponibles, les plateformes de commerce en ligne pourront consacrer davantage de moyens financiers au développement de leur activité, collaborer avec plus d’agriculteurs et proposer des services à plus forte valeur ajoutée, comme des informations sur le marché, des microcrédits, des formations commerciales ou des assurances pour les récoltes. De plus, un rapport conjoint Banque mondiale/Alibaba sur le commerce en ligne en Chine montre que la création par des acteurs publics et privés de centres de services dédiés à l’e-commerce dans des cantons ou des villages a fortement contribué à l’essor de cette activité en milieu rural. Ces centres proposent toute une palette de services, depuis la perception des recettes et les paiements jusqu’aux formations à l’entrepreneuriat en passant par l’achat et la vente, la microfinance et la familiarisation au numérique.
  3. Inciter les agriculteurs à s’organiser en réseaux :les organisations d’exploitants, comme les coopératives, sont d’incroyables leviers pour surmonter les difficultés de chacun face au commerce en ligne. Les gouvernements africains peuvent améliorer la réglementation des organisations d’exploitants et garantir leur responsabilité vis-à-vis de leurs membres. Les pouvoirs publics peuvent également prendre des mesures visant à organiser des subventions et des prêts concessionnels ad hoc et ponctuels pour les organisations professionnelles.
    Ils seront peut-être amenés à intervenir pour rapprocher les organisations d’agriculteurs des plateformes de commerce en ligne et d’autres acteurs de la filière, en particulier pour garantir le versement de prix équitables aux producteurs. Tout aussi importante, l’association des gouvernements au secteur privé permettrait d’améliorer les capacités organisationnelles et commerciales des organisations d’agriculteurs. Des politiques adaptées pourraient attirer et former une jeunesse au fait de la technologie et du marketing et l’amener à s’investir dans ces structures. Ces profils pourraient faire des associations de producteurs des organisations modernes, innovantes et attentives au marché, capables de propulser leurs membres dans les chaînes de valeur agricoles.

Partenaire reconnu de la Banque mondiale et d’autres organisations dans le champ de l’humanitaire et du développement, le Programme alimentaire mondial (PAM) est fort d’une expérience de plusieurs décennies en matière de soutien aux petits exploitants et aux marchés agricoles, au profit d’environ 2 millions d’agriculteurs dans plus de 60 pays. Aux côtés du gouvernement du Ghana et d’autres pays pour l’élaboration de programmes, le PAM confirme son engagement à aider les États africains et leurs partenaires de développement à enclencher une reprise résiliente après la pandémie et une transformation rurale inclusive, en accompagnant le développement du commerce en ligne au service des agriculteurs.

Chris TOE et Wallace Shuaihua CHENG/Source : Blog Banque Mondiale

Publié sur NAZILIKA

 

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