AMADOU OUSMANE:Le grand frère des Ouest Africains au Burundi n’est plus… 

Ce 16 Octobre 2018, vers 21h un ancien collègue m’appelle de la Mauritanie en me disant «Il n’y a pas une bonne nouvelle». Je cherche à m’assoir  et lui demande ce qu’il y a. Il me répond «Amadou Ousmane est décédé ce matin, un collègue de retour des congés du Niger vient de m’informer». Alors commence dans ma tête le film d’une vie loin des nôtres pour servir les Nations Unies au Burundi, pays des mille collines, du miel et du lait. C’était en 2006 avant qu’il ne devienne mon chef de section en 2008 au Bureau Intégré des Nations Unies au Burundi (BINUB). L’homme Amadou Ousmane vous impressionnait à première vue par sa taille, ses balafres à la Haoussa, sa bonne humeur et son professionnalisme.  Mais aussi par sa rigueur dans le travail et son humanité. Il était le grand frère de tous les Ouest africains de la petite ville de Bujumbura. Dans sa section (Média et Communication), où il était le porte-parole des Nations Unie. Très rigoureux et d’un grand humanisme, il jouait le rôle d’un papa, souriant avec tous un jour, et le lendemain, on le trouvait entrain de sermonner sévèrement pour un travail mal fait. C’était ça Amadou “l’homme au bâton et à la carotte” 

Amadou Ousmane, ancien porte parole du Bureau intégré des Nations Unies au Burundi, journaliste et écrivain nigérien 1948-2018/Photo Maïmouna Traoré

Qui était Amadou Ousmane? 

Né le 1er Janvier 1948, à Tibiri Doutchi) au Niger, il est diplômé du Centre de formation des journalistes(CFJ) et de l’Institut français de presse (IFP) à Paris. Plus de quarante années de carrière dans le journalisme (il a commencé à 18 ans), Amadou Ousmane est passé par tous les méandres du métier. Il a débuté comme il aimait le dire par la rubrique des «chiens écrasés» que nous appelons dans le métier «Les faits divers» avant de s’attaquer aux grandes rubriques comme «la chronique judiciaire» et bien d’autres.

Il aimait nous raconter ses débuts surtout la période «des chiens écrasés”, quand sa route croisa celle de Seyni Kountché en 1967. Celui-ci était le numéro 2 de l’Armée nigérienne et lui Amadou Ousmane journaliste stagiaire. «J’avais publié dans « le Temps du Niger » un article le mettant nommément  en cause à la suite d’un banal accident de la circulation, j’ai dit qu’il avait “grillé le feu de stop». Il a débarqué dans notre Rédaction, très remonté. Il nous à trouvé en pleine réunion de Rédaction et avait tenté de me «casser la gueule» comme il disait. Idé Oumarou, mon chef d’alors, s’était interposé et avait réussi à le calmer».

Sa sincérité dans le travail a été reconnu par celui qu’il acusait d’avoir commis une infraction. Sept (07) plus tard, en 1974, devenu Président de la République, Seyni Kountché, le nomme attaché de presse. Cet exemple personnel, il le partageait toujours avec les jeunes, histoire de montrer combien, il est important d’être honnête et objective.

Correspondant de «Jeune Afrique Economie» sous le nom de plûme de Ali Biyo. Attaché de presse du Président Seyni Kountché en 1975, Directeur général de l’agence nigérienne de presse (ANP). Directeur de l’Office national d’édition et de presse(ONEP) en 1995, ensuite Directeur de cabinet adjoint du Président Ibrahim Baré Maïnassara.

Chargé de communication du National Democraty Institut (NDI) au Niger. Son premier contact avec le Burundi sera dans ce cadre. Public information officer (PIO) et Chef de la section Médias et communication, Porte-parole du bureau intégré des Nations Unies au Burundi. Il prendra sa retraite des Nations Unies en 2011.

Travailleur infatigable, il continuera sur le chantier des consultations et l’écriture. Il a travaillé avec le gouvernement togolais et au compte de la Banque Africaine de Développement (BAD). Amadou ousmane était le conseiller du Président de l’Assemblée Nationale du Niger, Hama Amadou jusqu’en 2013, au moment où celui-ci quittait.

Amadou Ousmane a produit plus d’une dizaine de livres dont trois romans « 15 ans, ça suffit ! », « le nouveau juge » et « l’honneur perdu ». Des biographies « L’itinéraire d’IBM» l’ex président nigérien Ibrahim Baré Maïnassara, des témoignages « Kountché vu par ses proches », « Notre Ami Kérékou» des chroniques et essais.

«15 ans ça suffit à été adapté au cinema en Côte d’Ivoire sous le titre de “Petanqui» et “L’honneur perdu» traduit en haoussa(Editions Albassa).

Le Niger son pays natal a reconnu les valeurs de ce digne fils, il était Commandeur de l’Ordre du Mérite du Niger, Officier de l’Ordre National du Niger, Chevalier de l’Ordre du mono (Togo).  Dors en Paix grand frère et Chef Amadou, que la terre de tes ancêtres te soit légère. Amen 

Maïmouna Traoré

Nous avons retrouvé des amis et collègues, voici leurs témoignages sur l’homme et le professionnel de l’information.

Henri-Paul Bolap, Journaliste Canado-Camerounain, spécialiste en administration publique

Amadou Ousmane, un grand frère respecté et respectable qui nous a quittés trop tôt. Comme tout le monde, c’est avec surprise et émotion que j’ai appris le mois dernier, le décès de celui que je considérais comme un grand frère. Grand frère, il l’était, par l’âge et par l’ancienneté dans ce métier que nous aimions tous – celui de journaliste – même si moi je prenais quelque peu mes distances au fil des ans avec cet amour professionnel de jeunesse.

A cet effet, nos chemins se sont croisés plusieurs fois dans nos vies professionnelles. La première fois, ce fut à Lagos au Nigéria en 1984 lors d’un sommet des chefs d’États membres de la Commission du Lac Tchad que sont par ordre alphabétique le Cameroun, le Niger, le Nigeria et bien sûr, le Tchad. Il était membre de la délégation nigérienne comme conseiller en communication du Président de son pays, le Général Seyni Kountché, alors que moi je faisais partie de celle du tout-nouveau Président du Cameroun, M. Paul Biya, comme Attaché de presse. Nous nous y croisâmes brièvement, sans vraiment nous connaître, noyés dans les rigidités du protocole comme seuls les États africains savent le faire.

Quelques vingt années plus tard, en mars 2004,  l’un et l’autre nous étant éloignés des cercles du pouvoir, nous nous sommes retrouvés à Bujumbura au cœur de l’Afrique. J’Y appris qu’il avait été pressenti pour le poste qui me revint de Coordonnateur des actions-média pour le compte d’une firme américaine, Counterpart International. La principale responsabilité de ce poste était de préparer les médias du pays à assurer une couverture objective, équilibrée, adéquate, complète et à temps, d’une série d’élections municipales, législatives, présidentielles et sénatoriales qui devaient avoir lieu dans le pays de mai à août 2005, afin de mettre fin au régime de transition qui prévalait au Burundi depuis octobre 1993, après l’assassinat du premier président démocratiquement élu du pays, Melchior Ndadaye, un Hutu. La décision prise par les responsables du projet de ne pas le retenir et d’aller me chercher du fin fond de la RDC où je me trouvais, lui ouvrit les portes des Nations Unies. Comme il aimait le dire, « quand une porte se ferme, une autre s’ouvre dans nos vies ». Cependant et en toute confraternité, il participa sans sourciller et apporta la pleine contribution de sa section de l’ONUB aux réunions et aux actions que j’organisais avant et pendant ces élections de 2005, en vue de mettre en place une synergie des médias. Cette synergie remporta un très grand succès, en permettant  aux élections de se dérouler de manière libre, transparente et apaisée, hélas pour la deuxième et dernière fois au Burundi. Depuis lors, le pays semble avoir plongé de nouveau dans une insécurité sans nom, et la démocratie enregistré un recul de plus en plus évident.

Enfin, c’est encore en toute confraternité que nous nous sommes retrouvés au Bureau Intégré des Nations unies au Burundi (BINUB) entre 2007 et 2010. Lui y exerçait déjà depuis 2004 comme chef de la Section de l’Information publique, alors que mois je rejoignis l’institution -pour le compte du PNUD – en septembre 2007, comme chef d’Unité de la réforme de l’Administration publique, dans la section « Paix et Gouvernance ». A cette occasion, il m’associa à différentes activités de la section, notamment des recrutements et nous retrouvions de temps en temps, pour parler de tout et de rien. A la fin de cette période, nous avons gardé des contacts et échangions des messages par courrier électronique, pour se donner des nouvelles personnelles ou sur de possibles opportunités professionnelles.

La dernière fois, c’Était en 2015, avant que je parte de RDC ou j’avais dirigé pendant deux ans un projet américain d’appui aux médias, alors que lui pensais y partir pour contribuer au redressement de la radio des Nations unies, « Radio Okapi », qui semblait battre de l’aile. Ceci démontre à suffisance sa passion pour le métier et pour le développement international.  Même s’il était à la retraite du système des Nations unies depuis quelques années déjà, il voulait encore donner du sien dans ce domaine du développement des médias qu’il affectionnait.

Le Tout-Puissant vient de l’appeler auprès de lui pour un repos mérité, ayant sans doute constaté que le grand frère avait largement fait sa part et laissé une partie du monde meilleure qu’il ne l’avait trouvée.  Repose donc en paix, cher illustre aîné et confrère. 

 Felix Yé, Burkinabé spécialiste en gouvernance

S’il est un mot qui sied bien à toutes les dimensions de l’homme de principes qu’a été Amadou Ousmane, c’est bien celui de droiture.  Droit et direct, Amadou Ousmane l’a toujours été, dans tous les sens, autant sur le plan professionnel que sur celui des relations humaines et sociales, nombreuses et riches qu’il a toujours entretenus avec une multitude de protagonistes de milieux différents, se révélant invariablement comme un aimant, attirant à lui et fédérant autour de lui, les individus et les intérêts les plus divers.

Dans le contexte de sortie d’une crise socio-politique, complexe et difficile, dans lequel nous baignions au Burundi entre 2005 et 2010, Amadou Ousmane a été une véritable et intarissable  source d’optimisme, pour tous, par son enthousiasme naturel, et un guide averti, toujours de bons conseils pour chacun de ses collègues Chefs de Sections, par sa grande maîtrise du milieu social et l’inattaquable humanisme de son interprétation des faits sociaux, pour le moins déroutants, pour ceux d’entre nous qui venions d’arriver dans ce pays.

Par  la place centrale qu’il occupait dans le dispositif onusien, et du fait de son professionnalisme qui forçait l’admiration de tous, à commencer par celle que lui témoignait son Chef direct, notre chef à tous, le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations-Unies, Chef du Bureau Intégré de maintien de la Paix au Burundi, Amadou Ousmane était l’homme de tous les challenges.

Pour l’avoir côtoyé au quotidien pendant près de cinq ans, je n’ai pas souvenance d’avoir vu une seule fois, Amadou Ousmane perdre sa tempérance, ni se départir de son flegme et de sa lucidité face aux situations les plus déstabilisantes auxquelles lui et moi étions fréquemment confrontés dans la gestion de questions aux frontières inextricables, voire évanescentes, entre son domaine, l’information et le mien, la gouvernance et la paix.

Amadou Ousmane s’est distingué aux yeux de tous comme un humaniste optimiste et un panafricaniste intransigeant au regard serein mais vigilant. Avec bien d’autres, je suis probablement parmi ceux qui ont le plus bénéficié de la leçon de vie qu’Amadou distillait du haut de sa stature et de son port de tête altier, donnant l’impression d’embrasser et de dominer tout son environnement d’un seul regard.

Celui qui s’est mis au service des autres avec passion et abnégation comme l’a fait Amadou n’a pas vécu inutilement.  Va et repose en paix, digne fils d’Afrique et que la terre sacrée de ton Niger natal qui t’accueille dans ton repos éternel te soit légère…

 Propos recueillis par Maïmouna Traoré

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