« Nabintou Diakité fut une bonne et généreuse , une personne qui mérite aujourd’hui, tous les honneurs », dixit Madou Sidiki DIABTÉ
Le samedi 10 décembre 2022, des artistes du Mali (Djénéba Seck, Safi Diabaté, Mohamed Diaby, Delphine Mounkoro, Namian Sidibé, Massan Coulibaly, Aïssata Sidibé, Kani Sidibé, Papa Classima Diabaté, Djéli Moussa Diabaté, Tomani Diabaté, Sata Kouyaté, Maïmouna Soumbounou, Diamy Sacko…) ont rendu un vibrant hommage à la regrettée Nabintou Diakité arrachée à leur affection et à celle des mélomanes le 4 septembre 2022, à Fana. Une soirée pleine d’émotion a eu lieu au Club Africa Espace de son époux (Berthin Coulibaly) à Bamako-Coura, avec l’As de la parole et aujourd’hui maître incontesté des tariks, Bourama Soumano, comme parrain artistique. Cet hommage est une initiative du virtuose de la kora, Madou Sidiki Diabaté. Il a répondu aux questions de Nyéleni Magazine !
NYELENI Magazine : Qui était Nabintou Diakité pour Madou Sidiki Diabaté ?
Madou Sidiki Diabaté : Avec notre regrettée Nabintou, nous avions la passion de la musique en commun. Elle fut une artiste avec qui j’ai eu à collaborer. Son époux, Berthin Coulibaly, m’a toujours traité comme son frère cadet. Nous avons ainsi tissé des liens très étroits qui nous ont conduit à de fructueux partenariats. Je pense que si je suis parvenu à m’imposer aujourd’hui, dans le pays et à rester toujours proches de mes fans ici, c’est grâce à son Club Africa Espace où je joue avec mon groupe « Manding Griot Groove » tous les samedis depuis 5 à 6 ans. C’est vous dire que, en dehors de la scène artistique, Nabintou fut notre sœur, notre femme, notre amie… En plus du talent artistique, elle fut une bonne et généreuse personne qui mérite aujourd’hui, tous les honneurs. Nous ne cesserons de prier le Tout Puissant de l’accueillir dans son paradis Firdaws !
NYELENI Magazine : Qu’est-ce qui vous a poussé à organiser une soirée d’hommage à sa mémoire ?
Madou Sidiki DIABATÉ : Je pense que nous devons bien cela à cette talentueuse artiste qui s’en est allée,il y a quelques mois seulement, après avoir gratifier les mélomanes d’un somptueux album (Dounia, sorti le 26 novembre 2021). Ne serait-ce que le respect et la considération qu’elle a toujours eu pour tous les artistes, pour ses fans, pour la personne humaine. Nous lui devons cela aussi en reconnaissance de tout ce que son époux Berthin fait pour l’épanouissement des artistes en leur offrant des cadres et des opportunités d’aller au contact des partenaires et des mélomanes. Après l’incendie qui a dévasté le « Songhoy» à Baco-Djicoroni Golf, Berthin a pris l’initiative d’organiser un spectacle au Club Africa pour verser les recettes à son frère Zouzou. Ce jour, je me suis non seulement gracieusement produit, mais j’ai tenu à payer mon ticket et pour tous ceux qui m’accompagnaient. Et cela, parce que j’ai été marqué par ce noble acte de solidarité et de fraternité.
Aujourd’hui, avec la disparition de son épouse, tous ceux qui jouent au Club Africa doivent lui tendre une main amie, lui manifester leur compassion, leur soutien et leur solidarité. Mais, les conditions ne sont pas les mêmes pour tout le monde. C’est pourquoi, nous avons initié cette soirée d’hommage avec tous les artistes qui se produisent régulièrement sur la scène du Club Africa et qui ont accepté de se joindre à l’initiative.
NYELENI Magazine : A quoi serviront les recettes ?
Madou Sidiki DIABATÉ : Nous avions fixé l’entrée symbolique à 2 000 F CFA, compte tenu de la conjoncture actuelle. Nous allons remettre à Berthin Coulibaly les recettes de la soirée d’hommage comme notre contribution, notre assistance dans la douloureuse épreuve qu’il traverse en ce moment. C’est comme le jour du décès, certains auraient pu envoyer des céréales, d’autres des enveloppes… Certains auraient aussi aimé faire le déplacement de Fana pour les obsèques. Nous, c’est notre manière de lui manifester aussi notre solidarité, notre reconnaissance… A lui de faire ce qui aurait réellement plu à son épouse Nabintou qui était aussi réputée pour sa grande générosité, sa noblesse d’âme, son humanisme.
Certains artistes vont certainement se plaindre en se disant qu’ils n’ont pas été informés ou associés à cette initiative. Je tiens à leur dire que je suis le seul fautif. Berthin n’a nullement été associé à la prise de décision par rapport à cet événement. Nous l’avons initié juste pour permettre à ceux qui jouent fréquemment au Club Africa d’avoir une opportunité de manifester à Berthin leur solidarité. Sinon, si nous devons réellement rendre hommage à Nabintou, le Club ne pourra pas contenir les artistes à plus forte raison le public. Je m’excuse auprès de tous ceux qui auraient souhaité nous accompagner et qui n’ont pas pu le faire.
NYELENI Magazine : Vous avez collaboré à son dernier album, « Dounia», sorti le 26 novembre 2021. Que retenez-vous de Nabintou comme artiste ?
Madou Sidiki DIABATÉ : J’ai eu l’immense plaisir et le grand honneur de participer au dernier album de feue Nabintou Diakité, « Dounia ». Et cela, à la demande de son époux. J’ai joué la kora sur le titre « Dounia ». Je garde de très bons souvenirs de cette collaboration qui s’est passée dans le respect mutuel, dans la chaleur humaine. Nabintou avait un bon cœur ; elle était profondément humaine. Elle était d’une sensibilité fascisante.
C’est pourquoi enregistrer le morceau sur lequel j’ai collaboré n’a pas été chose aisée à cause de l’émotion. Comme si elle avait senti que ce titre lui était dédié et qu’elle n’allait plus vivre longtemps après cet album. Elle s’effondrait en larmes tout au long de ce travail. Il fallait chaque fois trouver les mots justes pour lui remonter le moral et la faire revenir au micro. Nous avons pratiquement consacré une demi-journée à l’enregistrement de ce titre prémonitoire. Nabintou fut donc une femme résignée, persévérante, attentive, respectueuse et animée d’une bonté extraordinaire. Elle avait la foi !
Que son âme repose en paix !
NYELENI Magazine : Envisagez-vous des soirées d’hommage pour d’autres artistes disparus ?
Madou Sidiki DIABATÉ : Les artistes doivent comprendre que nous formons une famille. Chacun doit être concerné par ce qui arrive à l’autre et lui manifesté sa solidarité en cas de besoin. Et surtout que le témoin de la mort passera chez chacun de nous, tôt ou tard. Nous sommes frères et sœurs. Nous nous devons donc une assistance mutuelle. Ainsi, s’il plaît à Dieu, nous ne comptons pas nous limiter à cette première expérience.
Nous allons réfléchir à organiser des soirées d’hommage à d’autres frères et sœurs qui nous ont quitté. Tout comme nous sommes prêts à nous associer à toutes les initiatives du genre. Chacun le fait pour lui-même et non pour les autres parce que, un jour, on te rendra pareil hommage quand tu ne seras plus de ce monde. Et l’ampleur de cet hommage dépendra aussi en partie de ton engagement à honorer la mémoire de ceux et celles qui nous ont précédé dans l’autre monde, celui de la vérité car éternel !
Propos recueillis par Moussa Bolly