«Mon cher Moussa, quel est l’intérêt des coupes affreuses de ces arbres d’ombrage tout en sachant qu’il faudra attendre 20 à 25 ans avant qu’ils ne produisent des graines. Il faut protéger notre nature qui est déjà bien malade. Cette nature qui est la garante de notre vie sur terre». C’est par ces mots que nous avons été interpelés par une amie Française suite au partage d’images de Caïlcédrats coupés sur notre page Facebook. Un coup de gueule d’un Ségovien intitulé, «bientôt la fin des Caïlcédrats à Ségou». Les images avaient vraiment de quoi briser le cœur.
«Je pense que, dans 7 ans, il y aura plus ces Caïlcédrats légendaires à Ségou. Notre fierté ségovienne est menacée par ces gens. Nous demandons à tous, à tous ceux qui peuvent mettre fin à ces abattages barbares sans d’agir sans un délai», a désespérément souhaite l’auteur de la publication. Et il est facile de comprendre son désespoir car même si Ségou est la «Cité des Balanzans», le Caïlcédrat n’est pas moins un élément de son identité environnementale.
Toutes les raisons avancées par les services techniques ne peuvent justifier en rien cette destruction du patrimoine biologique qui touche la capitale de la 4e région administrative du Mali après la capitale. C’est un acte révoltant que nous ne cessons de condamner. Rien ne saurait justifie une bêtise humaine couverte par l’impunité et l’indifférence des dirigeants politiques !
«Je suis atterrée par cette image qui montre ces arbres à terre. Si encore les coupes étaient faites correctement afin d’en tirer le meilleur parti… Mais, là, c’est l’anarchie avec une volonté d’exterminer un espace forêt pour libérer de la place», s’est offusquée notre amie. Et cela d’autant plus que, «on peut construire tout en conservant ces arbres majestueux qui, de plus, offrent de l’ombre». Et de rappeler, «l’arbre est le meilleur ami de l’homme, en le détruisant, on coupe la branche sur laquelle on est assis».
Alors que les autres pays lui accordent une précieuse attention, notre pays est en train de décimer ce trésor écologique qu’est le caïlcédrat ou «Khaya senegalensis». C’est une espèce d’arbres de la famille des Meliceae. Appelé aussi «acajou du Sénégal», le bois du caïlcédrat est utilisé à diverses fins. L’arbre est utilisé en menuiserie pour faire des pirogues, des instruments ménagers, le djembé et du bois de chauffe.
Malgré son goût amer, son écorce est utilisée comme plante médicinale contre la fièvre causée par le paludisme, les maux d’estomac et de tête.
Elle est également appliquée en usage externe pour soigner les éruptions cutanées et les plaies. Le caïlcédrat a été exporté d’Afrique occidentale (Gambie) vers l’Europe depuis la première moitié du XIXe siècle et a été lourdement exploité pour son bois d’œuvre. Il est maintenant utilisé plus localement et est planté de manière ornementale comme arbre au bord de la route, notamment dans de nombreuses villes du Mali depuis l’époque coloniale.
D’ailleurs, en dehors de l’Afrique, c’est par les administrations coloniales qu’il s’est répandu sur d’autres continents comme arbre d’alignement. Il a ainsi été introduit par les Anglais en Australie du Nord, et par les Français en Indochine où il constitue par exemple une des essences principales des rues de Hanoï, au Viêt Nam. Il a également été introduit en Nouvelle Calédonie, en zone urbaine uniquement.
Les graines de la plante ont une teneur en huile de 52,5 % composée de 65 % d’acide Oléique, 21 % d’acide palmitique, 10 % d’acide stéarique et de 4% d’autres composés acides. C’est quand même paradoxal qu’au moment où les autorités maliennes doivent encourager les populations à planter des arbres et à entretenir des bosquets communautaires, pour contrer les effets néfastes du réchauffement climatique, qu’elles-mêmes donnent le mauvais exemple en fermant les yeux sur la destruction d’essences rares.
Toutes les raisons doivent pousser aujourd’hui les décideurs politiques à élaborer des stratégies de reconstitution ou de régénérescence du couvert végétal sérieusement entamé par la sécheresse et les usages domestiques.
Contrairement par exemple aux idées reçues, les forêts réduisent les maladies infectieuses. Les forêts tropicales non perturbées peuvent ainsi exercer un effet modérateur sur les maladies provoquées par les insectes et les animaux. Cela est d’autant important que, environ 40 % de la population mondiale vit dans des régions infestées par le paludisme. Or, dans les zones fortement déboisées, le risque de contracter cette maladie est 300 fois plus élevé que dans les zones de forêt intacte.
Changer de comportement pour réduire les effets du changement climatique
Sans compter que de grands arbres comme le Caïlcédrat envoie non seulement de la vapeur d’eau dans l’air, mais c’est également lui qui capte la pluie grâce à ses gènes qui attire l’humidité comme un aimant. Ainsi, quelques hectares de forêt suffisent pour faire venir la pluie car l’arbre est un générateur de pluie. Sans compter que, en dégageant de la vapeur d’eau, il régule nos températures et ainsi nous protège contre la chaleur. Il nous protège également du bruit (isolation phonique).
De plus chaque arbre a une utilité bien spécifique pour l’homme soit dans la domaine de la médecine (médicaments) soit au niveau de ses fruits (consommation) sans oublier qu’il réduit de manière significative la force du vent (les vents forts). Non seulement il a un rôle de protection, il purifie notre air, il lutte contre le ruissellement (inondation), l’érosion du sol. Tout comme ses racines filtrent l’eau et améliorent la qualité de celle-ci.
De plus en plus exposé aux effets néfastes du réchauffement climatique (rareté des pluies, inondations, vents forts, forte chaleur presqu’en toute saison…), les Maliens doivent non seulement protéger ce qui reste de leur couvert végétal, mais aussi et surtout s’investir réellement dans la plantation.
Que chacun comprenne surtout qu’il ne plante par crainte d’un régime (comme du temps de l’Union démocratique du peuple malien, UDPM-parti unique du 30 mars 1979 au 26 mars 1991) ou pour faire plaisir au pouvoir, mais pour lui-même et pour les futures générations.
Moussa Bolly (Publié dans le Matin du 24 juillet 2019)
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