VIOLENCES FAITES AUX FEMMES:  «Quand on respecte sa mère, on ne peut pas lever la main sur une femme» dixit Moussa Balla Mariko de Halte à la Violence conjugale

 

 Membre fondateur de « Solidaris223 » et de « Halte à la violence conjugale » (HVC), vice-président de « Ensemble Nous Pouvons» (ENP), Moussa Mariko communément appelé Balla Mariko a joué un rôle déterminant dans l’arrestation des violeurs dans l’affaire du viol collectif qui avait fait le buzz sur les réseaux sociaux. Nous avons eu un entretien avec lui pour évoquer ce crime, son implication dans des associations humanitaires… Interview !

Le Matin : Ces derniers jours, la République a été ébranlée par la vidéo d’un viol collectif qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Et vous avez été impliqué dans l’arrestation des présumés coupables de ce crime. Comment vous vous êtes retrouvé au cœur de cette affaire ?

Balla Mariko : En tant qu’être humain, en tant qu’homme et père, je ne pouvais pas rester insensible à la violence de l’acte, à la violence des maux prononcés, à l’animosité car c’était vraiment bestial. C’est pourquoi j’ai demandé au bureau de HVC (Halte à la violence conjugale), dont je suis membre fondateur, de m’autoriser à prendre en charge ce dossier à notre niveau.

C’est l’occasion de rendre hommage à une courageuse et dévouée sœur, Fatoumata Sow dite Mata. C’est elle qui alerté en premier le ministre de la Sécurité et de la Protection civile. Et c’est elle qui m’a recommandé aux commissaires de police pour que nous puissions collaborer dans cette enquête.

C’est aussi le lieu de rappeler que la collaboration entre la police et les populations est très précieuse dans une enquête sur le viol car elle permet d’aller vite et bien.

Le Matin : La police a souvent tendance à se méfier des associations dans ce genre d’enquête. Est-ce que la collaboration a été franche ?

Balla Mariko : La collaboration a été très franche, sincère et très cordiale parce que nous étions tous animés de la même volonté de mettre rapidement la main sur les violeurs présumés.

Le Matin : Comment s’est déroulée l’enquête ?

Balla Mariko : HVC m’avait autorisé à faire un appel à témoins. Les premiers témoignages nous ont mis sur une piste qui menait à Niono (région de Ségou). Cela m’a permis d’avoir un numéro de téléphone que j’ai tout de suite communiqué à la Brigade des mœurs, précisément à l’Inspecteur Niapougui. Ce dernier a appelé le Monsieur en question et lui a demandé de se rendre à la Brigade des mœurs toutes affaires cessantes et qu’il prend en charge ses frais de déplacement. Et par la suite, à cause des moyens humains et technologiques déployés, les choses sont allées très vite.

Je rends sincèrement hommage aux policiers et à la chaîne de commandement qui se sont réellement investis dans cette enquête. Le Commandant de la Brigade des mœurs, le Commissaire Principal Marie Jeanne Sangaré, et son équipe n’ont ménagé aucun effort pour un rapide dénouement de cette enquête. On sentait franchement la sérénité et l’envie d’explorer toutes les pistes. Sans compter la pression du ministre qui voulait un bon résultat dans les meilleurs délais.

 

Le Matin : Justement, quelle appréciation faites-vous du rôle joué par le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Général de Brigade Salif Traoré, dans cette performance policière ?

Balla Mariko : Je dois vous avouer que, pour ma première collaboration avec la police dans une enquête sur le viol, j’ai senti que j’avais en face de moi un ministre choqué, un père choqué… Le ministre Salif Traoré a fait de cette affaire un devoir de rendre justice, un défi personnel. Il voulait un résultat rapidement parce qu’il fallait soulager la victime, commencer l’identification et arrêter ceux qui ont abusé d’elle. Le ministre a mis à la disposition de l’enquête tout ce qu’il avait à sa disposition comme éléments compétents et moyens technologiques afin de vite mettre la main sur ces gens.

Il est important aussi que la population comprenne que tant que ces jeunes ne sont pas passés devant d’un juge et reconnus coupables de cet acte abject, ils sont juste présumés coupables. Nous ne devons pas les condamner à la place de la justice.

 

Le Matin : Vous avez un moment interpelez les organisations féminines du pays pour non assistance à la victime. Que leur reprochiez-vous au juste ?

Balla Mariko : Cette interpellation a suscité une polémique parce que je n’ai pas été bien compris. Ce que j’ai dit dans ma publication sur les réseaux sociaux, c’est que je n’ai vu aucun délégué d’une quelconque association féminine auprès de la victime de la matinée à la fin de l’après-midi. Seules la MINUSMA et l’AMDH étaient sur place pour l’assister. La présence des organisations féminines pouvait lui apporter un soulagement et un réconfort moral et psychologique.

Je n’ai jamais dit qu’elles ne se sont pas impliquées pour que les présumés violeurs soient arrêtés ou qu’elles sont restées indifférentes à ce crime. J’ai juste déploré leur absence aux côtés de la victime le jour où elle est arrivée à la Brigade des mœurs.

Sinon j’étais en contact étroit avec certaines associations à qui je donnais des informations sur l’évolution de l’enquête. Sans aucune volonté de polémiquer et je touche du bois, si jamais il y a un autre cas de viol, j’aimerais bien qu’elles soient beaucoup plus actives auprès de la police et des populations. Et si la victime est retrouvée, que la prise en charge se fasse automatiquement.

 

Le Matin : Justement, qu’attendez-vous de la justice dans cette affaire ?

Balla Mariko : Les Blancs nous ont apporté une nouvelle notion de violence basée sur le genre. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas seulement que les femmes qui sont victimes de ces actes de violence, mais qu’il y a des hommes aussi.

Mais, il est souhaitable d’extraire le viol des violences basées sur le genre et traité à part. La blessure laissée par un viol est double, triple voire multiple. Imaginez une fille de 14 ans, impuissante et désarmée qui se fait violer par des jeunes qui filment la scène. Elle est humiliée à vie. L’acte est si violent qu’il est souhaitable que la justice le traite à part, c’est-à-dire en dehors des violences liées au genre.

Une agression pareille est filmée et diffusée sur les réseaux sociaux par les violeurs dans l’intention de nuire indéfiniment à leur victime. Nous devons donc veiller à ce que ces présumés violeurs, une fois reconnus coupables, soient sévèrement punis pour donner une leçon à ceux qui ont des velléités d’agir comme eux, pour que ceux qui ont du mal à contrôler leur pulsion sexuelle puisse réfléchir par deux fois avant de commettre des actes sadiques.

Ces jeunes doivent être sanctionnés pour l’exemple, ils doivent payer pour tous ceux qui ont jusque-là échappés à la justice parce que les victimes ont préféré le silence de la résignation ou parce que les parents ou les proches ont usée de leurs relations pour les soustraire à un procès.

 

Le Matin : En quoi la multiplication de ces viols interpelle-t-elle la société ?

Balla Mariko : Le viol, les agressions sexuelles, les violences faites aux femmes doivent interpeller notre société à se regarder en face. Nous devons prendre conscience que notre société évolue. Qu’elle soit positive ou négative, cette évolution est réelle. Elle est surtout accélérée par les nouvelles technologies et nous devons nous préparer à y faire face.

Je pense aussi qu’il est temps que nos leaders religieux définissent clairement leur position. Le constat est qu’ils sont allergiques à tout ce qui est évoqué comme protection de la Femme. Je ne sais pas pourquoi. Et pourtant, un leader religieux, un ministre, un président doivent la vie à une femme. Tout être humain sur cette terre doit son existence à une femme. Et comment comprendre que certains soient opposés à ce que nous trouvions des moyens de protéger nos mères, nos sœurs, nos épouses, nos filles…? Nous devons faire plus, de sorte qu’elles ne soient plus livrées à elle-même.

Dans notre société, la Femme subit et supporte, elle supporte trop. Il y a un mot qui me fait rire chaque fois : quand on dit que Musoya ya yé Mun-gnu ni sabaliyé ! Si la Femme doit se résigner et persévérer, quel est le rôle de l’homme? Elles nous perçoivent tout simplement comme des persécuteurs parce que tout simplement nous leur causons du tort, nous leur faisons mal physiquement, verbalement, psychologiquement…

Il est donc souhaitable que les religieux puissent clairement affichées leur position. Leur position sur ces questions peut être essentielle dans le changement de comportement souhaité à l’égard de la femme dans notre société.

 

Le Matin : Pensez-vous comme certains que le mode vestimentaire dénudé des filles expliquent en partie la multiplication de ces cas de viol ?

Balla Mariko : Je l’ai dis plus haut, nous ne pouvons pas nous opposer à l’évolution de notre société. Il faut s’y adapter afin de trouver les moyens de faire face à son impact négatif sur notre société. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de capter toutes les chaines occidentales, arabes… Nos filles et nos sœurs sont forcément influencées par la mode qu’elles voient sur ces chaînes.

Naturellement, la Femme aime plaire… Mais, c’est un jeu de rôles parce qu’au retour elle veut être séduite, appréciée et non violentée. Quand on aime une femme, on cherche à la séduire par plus d’élégance, plus d’attention, et non par la violence, l’abus de la supposée puissance masculine.

Un ancien président de la République du Mali m’a dit une fois : celui qui aime et respecte réellement sa mère, ne lèvera jamais la main sur une femme ! La Femme est magique, une merveille de la création divine, un don de Dieu. Ce n’est pas pour rien que certains penseurs rappellent que la Femme est le plus beau cadeau que Dieu ait réservé à l’homme. Je crois que l’ont doit toujours prendre bien soin de son cadeau. Il y a certaines choses qu’on ne doit jamais faire à une femme. Abuser sexuellement d’elle par exemple.

 

Le Matin : Comment expliquez-vous la perversion des mœurs qui engendre des montres comme ces jeunes violeurs ?

Balla Mariko : La perversion des mœurs dont on parle est en partie liée au fait que nous ne savons plus prendre bien soin de nos filles, de nos sœurs, de nos épouses. Nous avons abdiqué dans l’éducation de nos enfants qui deviennent des monstres téléguidés par les nouvelles technologies. Et, jusqu’au milieu des années 90, un enfant était éduqué dans la rue par tout le monde, chacun se sentait responsable des actes qu’il pouvait poser et faisait tout pour le pousser sur le droit chemin. Aujourd’hui, tu ne peux plus éduquer l’enfant d’autrui dans la rue sans te heurter à la colère et aux menaces de ses parents. Le vrai problème de la société malienne est que, de nos jours, tout le monde a démissionné et à tous les niveaux.

 

Propos recueillis par

Moussa Bolly