Samantha Guigma est la présidente de l’association « Initiative Femmes Afrique » (IFEMMA), très engagée dans le combat pour l’autonomisation de la femme. Son combat pour la femme africaine fait suite aux nombreuses violences qu’elle a subies dans son foyer. Elle a su surmonté cette épreuve. Désormais leader de femmes, elle se consacre totalement à leur cause. Dans l’interview qu’elle a bien voulu nous accorder à l’occasion des 16 jours d’activisme contre les VBG, Samantha Guigma nous parle, non seulement de son vécu de femme violentée, mais aussi de ses ambitions pour la femme africaine. Lisez plutôt !
NYELENI Magazine: Vous avez été victime de violences conjugales, parlez-nous un peu de ce que vous avez vécu ?
Samantha.Guigma : A vrai dire, c’est un passé que je n’aime pas généralement aborder pour des raisons que vous pouvez bien sûr comprendre. Mais pour cette fois, je vais faire exception à la règle parce que je pense que c’est nécessaire. Ce témoignage peut non seulement m’aider à tourner cette page douloureuse, mais aussi aider d’autres femmes qui sont dans la même situation. J’ai vécu des moments de détresse dans mon foyer. Mon époux était très violent, violent verbalement, violent physiquement et c’était une situation qui avait commencé à me traumatiser. J’étais finalement agitée ; je ne parvenais plus à faire correctement mes prières. c’est un peu là mon vécu. J’ai passé bien sûr sous silence certains détails plus choquants.
NYELENI Magazine: Pouvez-vous expliquer les raisons de ces violences à votre égard ?
Samantha.Guigma : Humm… !(D’un air un peu perdu) Cette question…je ne sais pas quoi vous dire mais certains pensent que c’est dû à l’alcool mais personnellement, je ne pense pas que tous ceux qui boivent sont forcément violents. Effectivement il boit. Il est d’ailleurs régulièrement en état d’ébriété mais je ne pense toujours pas que son comportement soit dû à ça, une telle violence ? Non !
NYELENI Magazine: Face à cette violence qu’avez-vous faite ?
Samantha.Guigma : J’étais dans mon foyer mais vivais avec la peur au ventre. Chaque fois que j’entendais le bruit de son véhicule ou encore le garage s’ouvrir, c’était la panique pour moi. Qu’est-ce qu’il va encore dire ? Qu’est-ce qu’il va faire ? C’étaient là, mes questionnements. Ma seule préoccupation était jusqu’à quand ça va durer ? Où trouverai-je le secours…Vraiment, c’était difficile (encore sous le choc). C’est vrai que d’un côté je voulais vivre dans mon foyer parce que c’est ce qui est bien vu dans la société, de l’autre côté, j’ai voulu avoir une vie de tranquillité dans un environnement dans lequel je pouvais m’épanouir.
NYELENI Magazine=Avez- vous été soutenue dans votre épreuve ?
Samantha.Guigma: Dans mon désespoir, j’ai approché plusieurs connaissances qui m’ont conseillé d’aller voir certaines associations féminines mais en réalité je n’ai pas été satisfaite. Je ne veux pas évoquer de noms mais j’ai approché des associations bien connues mais rien. Je me souviens qu’une fois mon ex-mari a envoyé son avocat vers une association pour la dissuader de ,e pas m’aider sous prétexte que je suis une étrangère. Et lorsque je suis repartie, la responsable de ladite association a été très froide avec moi. En un mot, je n’ai pas eu le soutien que j’ai souhaité avoir auprès des leaders féminins. A force de courir derrière ces associations, j’ai fini par comprendre que je :m’exposais davantage.
NYELENI Magazine:Aujourd’hui comment vivez-vous votre situation?
Samantha.Guigma : Aujourd’hui je rends grâce à Dieu. Je ne peux pas dire que je suis guérie complémentent de ce que j’ai vécu mais je suis en train d’être guérie. J’ai l’esprit un peu plus tranquille comme vous pouvez le constater. La preuve, j’ai pu reprendre mes études que j’ai abandonnées bien avant ma vie de foyer. L’anecdote est que j’ai passé à mon DEF avec brio tout en étant la meilleure de ma classe malgré mon âge avancé et les traumatismes que j’ai subis. Et tenez-vous bien, je poursuivrai mes études. En un mot, j’ai découvert la vie autrement, je sais apprécier la vie que Dieu a faite. Je suis heureuse de vivre et sais que je peux être importante pour mon pays et la femme en particulier.
NYELENI Magazine:Vous êtes la présidente d’une association, IFEMMA, comment est venue l’idée de sa création ?
Samantha.Guigma : Comme je vous le disais l’idée m’est venue suite aux nombreuses expériences que j’ai vécues durant ma traversée du désert ,si je peux m’exprimer ainsi. Du foyer à la course derrière les associations pour qu’elles me viennent en aide m’ont forgé. J’ai compris qu’il y’a une brèche qu’il faut coller, donc j’ai contacté certains proches pour des conseils. Après, IFEMMA a été créée avec la participation d’autres associations de femmes.
NYELENI Magazine=Quelles sont les actions que vous comptez mener avec IFEMMA ?
Samantha.Guigma : D’abord le but de l’IFEMMA est le renforcement de la participation et le leadership de la femme dans le domaine des affaires publiques et privées. Nous avons prévu pleins d’activités. Nous voulons que la femme soit maîtresse de son destin. Nous n’allons pas attendre que les hommes se battent pour le droit de la femme. Quand on parle de droit de la femme, certains l’interprètent autrement, ils pensent que c’est pousser la femme à prendre autorité sur l’homme. C’est plutôt le droit de la femme à l’éducation, à la justice, le droit à la parole pour cela nous avons prévu des activités et une de nos activités phares qui est la première édition de la journée de la femme en détresse est programmée pour bientôt et nous reviendrons là-dessus.
NYELENI Magazine: Êtes-vous soutenue dans ce combat ?
Samantha.Guigma : Je dirais oui. J’ai la conviction et la détermination pour le combat pour lequel je me suis engagée avec d’autres femmes qui m’ont encouragé et qui m’apportent leur soutien. Chaque jour je rencontre de nouvelles personnes avec de nouvelles idées.
NYELENI Magazine: Quel message d’encouragement avez-vous à l’endroit de toutes ces femmes qui traversent des situations similaires de violence ?
Samantha.Guigma : Mon message à l’endroit des femmes qui vivent en situation de détresse est le courage. Je ne leur dirais pas de quitter leur foyer dès qu’elles ont une petite mésentente avec leur conjoint, mais plutôt de chercher des conseils auprès des personnes de confiance. Mais quand vous aviez à faire à un homme violent qui vous traumatise, pensez à vous et à vos enfants.
Propos recueillis par Djenèba Kassogué