TRAVAILLEUSES DOMESTIQUES : LE DROIT AU REPOS VIOLÉ !

 Notre pays, comme beaucoup d’autres reçoit dans ses grandes villes, particulièrement à Bamako, de jeunes filles rurales à la recherche de travail à domicile. Ici, on les appelle « Bonnes », comprenez bonne à tout faire. Avec la prolifération des associations de de défenses des droits des travailleuses domestiques, on commence à les appeler des « Aides ménagères ». Dans ce travail quotidien qu’elles font, certaines n’ont pas droit au repos. Leur temps de travail va de 6h à tard dans la nuit. Sont-elles des bêtes de somme ?  Quel est aujourd’hui l’état des lieux ? Des acteurs nous édifient. Suivez.

Photo d’illustration

Selon une étude faite par EDUCO (la fundacion Éducation y cooperacion), à Bamako, les travailleuses domestiques sont au nombre de vingt mille (20 000). L ’ADDAD (Association de défense des droits des aides-ménagères et domestiques) a elle aussi menée une enquête dans les six communes de Bamako en 2018, où il s’est avéré́ que 30% des filles avaient moins de quinze (15) ans, 87% des moins de quinze (15) ans, commencent leur travail avant 6h du matin. Seule 29% des filles mineures ne travaillent que pendant la durée normale du temps de travail journalier, soit 8h (selon le Code du travail). Les 74% des filles n’ont pas de jour de repos.

L’article 142 du Code de travail malien stipule le repos hebdomadaire est obligatoire pour tout travailleur et les Aide-ménagères ne font pas exception. L’article 189-36 aliéna 3, prévoit pour les enfants de douze (12) à quatorze (14) ans, les travaux sont prohibés les dimanches. Et quant à l’article 186 aliéna 1, il prévoit un repos de 12h consécutives minimum, pour les enfants. Ces droits sont violés par beaucoup d’employeurs.

Notre première aide-ménagère rencontrée est Aïssata Sangaré́, seize (16) ans, native de Bougouni. Aïssata est arrivée depuis trois ans à Bamako et travaille les trente (30) jours du mois, sans repos, dans une famille à Sirakoro. « Depuis que je suis arrivée, je ne me suis jamais reposée pendant  une journée normale. Mes seuls jours de repos sont les jours de fêtes, après les travaux domestiques du matin. C’est l’après-midi que j’ai pour voir mes parents de Bamako. Je les salue, mais la nuit doit me trouver à mon lieu de travail», nous a-t-elle expliqué.

Korotimou Dembélé́ est native de Tominian, à quinze (15) ans, elle vient de passer quatre (4) années à Bamako, pour chercher son trousseau de mariage, selon le vœu de ses parents. « De là où je viens, les parents n’investissent pas dans les trousseaux de mariage de leurs filles. A partir d’un certain âge, nous quittons le village, pour aller à la recherche ce joyau dans les grandes villes ». En quatre (4) ans, elle est à sa deuxième patronne. « Je suis chez ma seconde patronne depuis mon arrivée. Chez la première, j’avais trop de travail. Et c’était tous les jours, je ne pouvais pas continuer, je lui ai demandé de me donner mon argent. C’est comme ça que je l’ai quitté́ après  dix-huit (18) mois, elle a tout fait pour que je reste, mais j’ai refusé́ ». Ensuite, elle a ajouté que chez la première patronne, elle se levait à 5 h pour se coucher à 22h, « j’étais tellement fatiguée que je suis tombée malade » a-t-elle conclue.

Pour M. Antoine Akplogan, le Directeur Exécutif de Gradem (Groupe de Recherche Action droits de l’Enfant au Mali), président de la Coalition malienne, pour les Droits de l’Enfant (COMADE), « sans exception, chaque travailleur doit bénéficier d’un repos. Celui-ci se concrétise par une pause entre deux journées de travail (repos journalier) et aussi par une pause dans la semaine de travail (repos hebdomadaire). Par rapport aux enfants travailleurs, selon le Directeur du Gradem, « Le repos journalier doit être de 12h consécutives au minimum. Concrètement, cela signifie, que si l’enfant termine sa journée à 20h du soir, alors il ne peut commencer sa journée qu’à 8h le lendemain ».

M.Antoine poursuit, « Il n’est pas possible de lui demander de réaliser des tâches entre 20h et 8 h du matin, sans porter atteinte à son droit de repos. En plus de ce repos journalier, l’enfant doit bénéficier d’une journée libre dans la semaine. Il s’agit du dimanche, qui est obligatoire. Ce repos ne doit en aucun cas être remplacé par une indemnisation compensatoire».

La réalité́ est que, peu d’aide-ménagères savent qu’elles ont droit à un repos et même si elles le savent, elles n’ont pas le moyen de le revendiquer. C’est ce que Mme Diallo Assitan Fofana, présidente de l’Association de défense des droits des Aide-ménagères et Domestiques nous explique, « Le repos est un droit fondamental. Mais ce droit leur est violé, bafouillé par leurs employeurs. Et même quand tu te couches la journée, pour te reposer, on te réveille, la nuit aussi, c’est pareil. Elles sont rares, celles qui ont deux heures pour se reposer, voir une demi-journée ou une journée entière par semaine, pour se reposer. Il y a aussi le congé annuel, qui est pris en compte, le douzième mois de l’année devrait être donné à la fille pour son congé annuel. Et ce mois, n’est pas prélevé dans son salaire. Mais, elles ont peur de réclamer par méconnaissance ou par peur d’être radier. Donc, elles sont à la merci de leurs employeurs, même pour rendre visite aux parents, on te traite de baladeuse. Et pourtant les employeurs ont tout le weekend pour se reposer ».  Pour elle, les employeurs ne souhaitent pas se passer de leurs services pendant toute une journée et ne prévoient généralement pas d’alternatives. Étant logé chez leur employeur, elles se retrouvent donc à leur portée à n’importe quel moment.

Mariam Sidibé́, quatorze (14) ans, arrivée de Yanfolila après avoir abandonné́ l’école pour venir à la conquête de la capitale. Elle a parlé une fois de repos à sa patronne et depuis deux ans, elle attend. «J’ai, une fois, entendu à la radio, que les aide-ménagères, ont aussi droit au repos. C’est ainsi,  que j’ai demandé à ma patronne de me donner une journée de repos, pour rendre visite aux parents du même village. Sa réponse était de faire son travail d’abord, ensuite que je pouvais y aller ». Avant de finir, il était 14h. Je me suis endormie et depuis 2 ans, c’est comme ça, rien, a-t-elle dit.

Les défenseurs des droits des aide-ménagères font de leur mieux pour organiser le secteur et sensibiliser les employeurs.

Pour le président de la Coalition malienne, pour les Droits de l’Enfant (COMADE), « Les causes du non-respect de ce droit de repos sont multiples, et varient pour les acteurs du bien-être des filles travailleurs domestiques. « Les causes du non-respect de ce droit de repos sont diverses, liées à plusieurs aspects, à savoir le caractère informel de ce travail, l’accès informel au travail, l’absence d’un contrat de travail », a cité́ Monsieur Antoine Akplogan. En plus La présence continue des aide-ménagères sur leur lieu de travail contribue beaucoup à l’ignorance de leurs droits du travail, a-t-il précisé.

Les acteurs doivent s’impliquer davantage en exigeant aux employeurs le respect de ces droits. Les décideurs doivent appliquer le Code pénal et exiger des pénalités. La présidente d’ADDAD, Mme Diallo Sitan Fofana a déclaré que « Tous ceux qui viennent prendre les filles chez nous, on leur exige une journée de repos par semaine dans le contrat. Nous effectuons aussi des visites à domicile pour connaitre les conditions de travail des filles. Mon ONG et d’autres sont organisées en consortium, pour amener les jeunes filles à s’organiser et rendre formel leur accès à l’emploi, notamment à accepter de se former pour influencer le marché́ de l’emploi, à renforcer leurs capacités, à mener des actions de plaidoyer et à être capable de discuter elles-mêmes les conditions de leur travail ».

Les aide-ménagères sont aussi victimes de violences, ces violences sont de plusieurs ordres, dont le non droit au repos qui est une atteinte à leur intégrité physique et morale. Nous a expliqué Mme  Diallo Sitan Fofana . Il y a souvent, le viol, les corrections physiques et autres. Les campagnes de sensibilisation, les plaidoyers devront être menés, afin de sensibiliser l’opinion publique et pour le respect de la loi par les employeurs qui s’exposent à des sanctions allant jusqu’à l’emprisonnement (qui est rare dans la pratique dans notre pays).

« Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains au Mali (JDH) et NED ».

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