Il y a un peu plus de deux ans que nous avions eu un entretien avec Kamissa Camara, alors Vice-Directrice des programmes du NED pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale. Aujourd’hui, Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale dans le tout nouveau gouvernement de Souméylou Boubeye Maïga II. Encore une NYELENI à un poste jamais attribué à une femme au Mali. Avant sa nomination ce 9 Septembre, elle était depuis Juillet 2018, la Conseillère diplomatique du Président IBK avec rang d’Ambassadeur. Nous reprenons ce portrait paru dans NYELENI N°88 de Décembre 2016, pour que vous puissiez mieux apprécier le parcours de cette jeune dame. Elle fut aussi la première malienne sur le petit écran dans le pays de l’Oncle Sam. Elle s’est installée aux Etats-Unis en 2007, quand elle a décidé de quitter la France pour s’expatrier grâce à un « Green Card ».
Née à Grenoble (France) de parents immigrés depuis les années 70, Kamissa Camara est l’ainée d’une famille de quatre enfants. Chez les Camara, il y a trois filles et un garçon. Elle obtient en 2006, un diplôme de relations internationales et, en 2007, un Master en économie internationale à l’Université Pierre Mendès France à Grenoble.
C’est au bureau des Nations Unies à Washington que Kamissa a fait son stage de licence en 2005. Deux ans auparavant, elle aura passé une année en tant que fille «au pair» à Concorde dans le New Hampshire. En 2007, elle fait son stage de fin d’études à la Banque Africaine de Développement (BAD) en Tunisie. C’est de là, qu’elle s’est expatriée aux Etats Unis armée de son Master et de 3 000 dollars en poche (moins de deux mil- lions de francs CFA).
Elle se souvient encore de son arrivée, comme si c’était hier, «je suis descendue chez des amis à Baltimore, sans emploi, mais avec l’envie de conquérir le monde. Mon premier achat a été une voiture. J’y ai investi 1.000 dollars. De là, tout est allé comme sur des roulettes car j’ai tout de suite trouvé un poste à International Foundation for Electoral Systems (IFES), une Fondation Internationale pour les Systèmes Electoraux avec en charge l’Afrique de l’Ouest», explique cette Nyéléni.
Avec ce boulot, Kamissa va ainsi former des centaines de personnes travaillant dans des commissions électorales sur des sujets aussi pointus que la délimitation des circonscriptions électorales, l’enregistrement des électeurs ou la technologie d’enregistrement des votes, des activités essentielles à la démocratie sur le continent. En 2012, elle rejoint le National Endowment for Democracy (NED), une organisation non-gouvernementale créée par le Congrès américain en 1983. Sa mission est de soutenir les ONG, à travers le monde, dans le domaine de la démocratisation et de la bonne gouvernance. Là, elle est responsable pour l’Afrique de l’Ouest. Au bout de trois ans, elle devient la vice-directrice pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale de cette organisation.
Coup de chance, elle travaille sur le Mali. «J’ai été recrutée juste après le coup d’État de 2012». Originaire du pays, elle avait le profil idéal pour travailler sur le Mali. Selon elle, «On est parti de zéro et on a maintenant 15 partenaires sur le terrain. Je me suis déplacée moi-même plusieurs fois sur le terrain, y compris à Tombouctou, pour identifier les partenaires et m’assurer que ces organisations étaient stables et solides», indique-t-elle. Ses déplacements l’amènent annuellement dans une vingtaine de pays africains pour y évaluer les contextes politiques et rencontrer les partenaires du NED, pour vérifier que l’argent est bien utilisé mais aussi pour identifier de nouveaux partenaires.
Pour elle, «le Mali est un vrai succès pour le NED».
Il y a trois ans, elle a créé «Sahel Strategy Forum» pour la région. «J’ai créé ce forum dans la continuité du Mali Watch, un groupe informel d’ONG qui travaillait sur le Mali. Il avait été mis en place juste avant le coup d‘État et avait décidé de cesser d’exister après les élections présidentielles de 2013, estimant son travail terminé. J’ai eu envie de poursuivre la réflexion sur les enjeux autour du Sahel», explique Kamissa Camara.
Dans ses missions, elle œuvre à mettre en partenariat dirigeants et société civile. Elle a même été engagée par le State Department (Département d’État) pour former, cinq fois par an les diplomates américains qui sont déployés en Afrique de l’Ouest. Si on lui demande ce qu’elle pense de l’Amérique, elle répond sans ambages, «Je me sens chez moi aux États-Unis. Une fois qu’on a vécu aux USA, il est difficile de vivre ailleurs, les cultures sont différentes et il faut le temps de s’adapter. Mais, ici tout est tellement plus facile»!
Cette Dame engagée dit à qui veut l’entendre que le Mali fait partie d’elle. Elle a aimé le pays de ses ancêtres à travers ses parents très attachés au pays d’origine, qu’ils feront découvrir à leurs enfants au cours de multiples voyages à Bamako et à Siby. Ils vouaient qu’ils tissent leurs propres relations avec ceux restés sur place. Militante de plusieurs associations, Kamissa Camara est, entre autres, membre du Conseil d’administration du Réseau des femmes africaines de la diaspora, vice-présidente de l’Association des Maliens de Washington, et Commissaire à la commission des affaires africaines du gouvernorat de l’Etat du Maryland.
Elle publie très fréquemment sur la démocratie, les élections et le fondamentalisme religieux dans différents organes de presse tels que Le Monde, le Washington Post, ou Aljazeera . Et Kamissa est devenue l’analyste de la politique africaine préférée de CNN, Aljazeera, TRT World et la Voix de l’Amérique. Enfin, Kamissa a obtenu un diplôme en campagnes électorales de la très renommée Université de Yale et entreprend en ce moment un séjour de recherche au département des Affaires africaines de l’Université prestigieuse d’Harvard.
Bonne continuation à notre jeune Nyéléni.
Maimouna Traoré