L’hémophilie est une maladie génétique caractérisée par des hémorragies spontanées ou prolongées dues à un déficit en facteur de coagulation VIII ou IX. Au Mali, la maladie est mal connue et pourtant, 3800 personnes en souffrent, selon la Fédération Mondiale de l’Hémophilie (FMH). Elle touche toutes les races, toutes les couches de la société sans discrimination aucune. L’hémophilie est-elle guérissable ou pas? Le Pr. Yacouba L. Diallo nous éclaire.
L’hémophilie est une maladie du sang, qui fait saigner, transmis des parents à leur descendance (héréditaire) dans 70% des cas et 30% des cas spontanés chez l’enfant qui va transmettre aussi à ses enfants, selon le Pr Yacouba L Diallo Médecin hématologue à l’hôpital du Mali. Pour lui, « Il y a une hémophilie accusée qui peut arriver chez tout le monde, qui est différente de génétique, qui est une maladie hemonologique. Alors que l’hémophilie héritée est une anomalie qui survient sur le chromosome X , qui entraîne une diminution du facteur VIII, les hémophilies A et le facteur IX pour les hémophilies B. »
Le Pr Diallo explique que « les signes particuliers sont les difficultés de coagulation du sang en cas de blessure. Les signes peuvent être visibles à l’œil nu ou non. Les saignements exotérisés peuvent être des saignements au nez, le matin, on voit que le drap de l’enfant est mouillé de sang, ou à l’occasion des petites blessures, des injections, des prises de sang, ça peut arriver lors de la circoncision. Mais aussi chez les femmes ou les filles en cycle menstruel ( des règles abondantes) qui dure des jours. Les saignements non exotérisés sont invisibles, entraînent des boules( hématomes, ou ecchymoses), c’est à dire des plaques noirâtres qui surviennent à la peau, ou des saignements aux articulations (hémarthroses), fréquent chez ces malades donc 70% à 80% » a indiqué Prof Yacouba L Diallo.
Toujours selon le Pr. « Quand le diagnostic n’est pas fait précocement, il peut entraîner des complications chez le malade , et devient alors une hémophilie sévère, La répétition de ces hématomes vont entraîner des arthropathies qui seront à l’origine des handicaps moteurs chez ces malades. Dès la naissance on peut avoir les signes. En fonction de la gravité, il y a trois groupes de patients, ceux qui ont une unité de facteur par mille litre appelés hémophilies sévères, les signes sont importants et visibles. Le second groupe ( les hémophilies modérés) qui ont un taux compris entre 1 et 5 unités. Et les hémophilies mineurs, avec un taux de 5 à 45 unités. Dans ces formes, les symptômes ne sont pas les mêmes, mais sont moins brillants que les formes sévères. C’est une maladie impressionnantes dans son expression clinique, ça se soigne très bien. Quand la maladie est traitée, le malade peut vivre sans problème » a affirmé Pr Yacouba L Diallo.
Selon les estimations de la fédération mondiale de l’hémophilie, il existe 3800 malades au Mali, dont 250 diagnostiqués, donc à peu près 90% des malades ne sont pas diagnostiqués. Le diagnostic est à la charge du malade, une fois que la maladie est connue, les concentrés de facteurs qu’on donne, sont gratuits ( prise en charge par la Fédération mondiale de l’hémophilie), mais quand c’est associé à d’autres maladies, ceux-ci ne sont pas prises en compte, et sont à la charge du patient. Actuellement , le Mali dispose de trois centres notamment : l’hôpital Gabriel Touré, l’hôpital du Mali et l’hôpital de Sévaré. C’est l’hôpital du Mali qui fournit les médicaments, a conclu le Pr Diallo .
Témoignages de malades
S.K est âgée de 18 ans, originaire de la région de Kita, dans un village situé à 230 km du chef-lieu de la région. « Depuis toute petite, lorsque je me blessais, le sang ne s’arrêtait pas facilement, au début les gens me taquinaient, que j’avais du sang abondant dans mon corps. Des années plus tard, les problèmes ne s’arrêtaient pas, je pouvais passer toute une journée à saigner, et je ne grandissais pas au même rythme que mes camarades d’âge, même mes petites sœurs avaient plus de force et de taille que moi. Je ne peux pas travailler longtemps, ni fournir assez d’effort. Une fois, j’ai eu un problème de respiration, arrivée à l’hôpital de Kita, avec mon père, on nous a évacué sur l’hôpital Gabriel Touré, à Bamako ». Après le diagnostic, S.K se retrouve non pas avec une maladie, mais deux, dont l’hémophilie, elle raconte « Le médecin m’a dit que j’ai deux anomalies, dont une maladie du cœur et l’hémophilie.
Depuis lors, je prends des médicaments pour me sentir bien, et j’ai déménagé à Bamako, chez un ami de mon papa, où je vis depuis quatre ans. Mes parents sont au village, c’est mon tonton, qui me trouve les médicaments à chaque fois, que j’ai mes crises. La dernière crise remonte à une année. Ce jour, j’ai passé toute la journée à saigner, il était en voyage, le lendemain, tout mon corps se vidait de son sang, je respirais difficilement, on m’a urgemment trouvé du sang et des médicaments. Aujourd’hui ça va ! »
M.T le logeur de S. K, a bien voulu l’accueillir, il y a quatre ans. « C’est l’enfant de son ami d’enfance, ils ont passé des mois à l’hôpital Gabriel Touré. Je me suis rendu compte qu’elle ne pouvait pas être loin de l’hôpital, ainsi, elle est restée en famille avec moi. A chaque fois que les médicaments commencent à finir, je pars en chercher. Aujourd’hui, elle commence à aller mieux. C’est à travers sa maladie, que j’ai compris ce qui s’est passé au village avec une nièce. Cette dernière a eu des jumeaux, elle a fait exciser la fille, qui a passé toute la journée à saigner, finalement, elle a succombé. Des cas de ce genre arrivent tout le temps au village, on qualifie cela de sorcellerie.»
Au cours de nos recherches, nous avons rencontré une jeune fille dénommée L. K qui est une hémophile qui s’ignorait, ainsi que tous les membres de sa famille. Selon elle, « Mon père a hérité de son grand père, toute leur famille a cette maladie sans le savoir ». Le cas de L.K est le plus compliqué dans la famille « Je peux saigner de 20h à 17h le lendemain, à chaque fois que ça m’arrive, j’achète des remontants, afin d’augmenter le sang perdu, j’ignorais que cette maladie était prise en charge », a-t-elle dit. Il est cependant important de savoir selon les spécialistes que l’hémophilie est une maladie héréditaire récessive liée au chromosome X due à l’absence ou au déficit d’un facteur de la coagulation.
L’hémophilie A touche environ 1 homme sur 6000, tandis que l’hémophilie B, plus rare, affecte 1 homme sur 30 000. Prise en charge à temps, le malade se portera mieux et mènera une vie sans problème. Il faut juste connaitre les centres indiqués pour cette prise en charge. L’association malienne de lutte contre l’hémophilie et les autres coagulopathies (AMALHEC ), est à pied d’œuvre pour aider les malades, appuyée par la fédération mondiale de l’hémophilie.
Mady TOUNKARA