Dr MAIMOUNA SALAH DICKO: LA PREMIERE SCIENTIFIQUE MALIENNE DANS LA RECHERCHE ZOOTECHNIQUE

 Dr Maïmouna Salah Dicko est la première malienne scientifique à intégrer le domaine de la recherche zootechnique, particulièrement le volet recherche agro-pastorale, réservé en général aux hommes.

Dr Maïmouna Salah Dicko: La première scientifique malienne dans la recherche zootechnique

Née en 1944, Maimouna Salah Dicko est entrée en 1948, à l’école primaire de Niafunké en suivant en dilettante sa grande sœur qui venait d’être inscrite. Ainsi elle s’est retrouvée à 6 ans au cours élémentaire première année (CE1), et à 9 ans au cours moyen deuxième année (CM2). A la demande de ses parents, la direction de l’école l’a maintenue au CM2 pendant 3 ans pour lui permettre de poursuivre ses études au Collège Moderne de Jeunes Filles (CMJF) de Bamako où l’âge minimum d’accès était fixé à douze (12) ans. Là, elle obtient en 1960 le Brevet d’études du Premier Cycle (BEPC) qui est l’actuel Diplôme d’Etudes Fondamentales (DEF), puis en 1963, le Baccalauréat série sciences exactes (SET) toujours au Collège de Jeunes Filles, qui est devenu plus tard le Lycée de Jeunes Filles avant d’être rebaptisé Lycée BA Aminata.

C’est à la Faculté des sciences de Paris, aujourd’hui Université Pierre et Marie Curie que Maimouna Salah Dicko a mené ses études universitaires couronnées en 1968, par l’obtention des Maîtrises de Botanique et de Génétique en validant les certificats d’études supérieures de Sciences Physique Chimie Naturelles (SPCN), Botanique, Génétique, Biochimie microbiologie et physiologie végétale, Biologie générale, Biochimie structurale et du métabolisme et Physiologie animale.

Sa carrière professionnelle débuta en 1969, au Centre National de Recherches Zootechniques (CNRZ) comme Chef de la section biochimie, vu son background universitaire dans cette discipline. Il fallait rouvrir le laboratoire de biochimie qui avait cessé de fonctionner depuis le départ des Français à l’indépendance du Mali, a-t-elle dit. Pour être plus performante dans l’accomplissement de ses tâches, elle est retournée de 1971 à 1973, à l’Université Pierre et Marie et au Centre National de Recherches Zootechniques de Jouy-en-Josas en France, pour une formation complémentaire ayant abouti à l’obtention du Diplôme d’études approfondies (DEA, équivalent du Master recherche) de nutrition et du Doctorat de 3ème cycle de nutrition.

De nouveau au CNRZ en 1974, elle a repris la tête de la section Biochimie rebaptisée section Alimentation Biochimie. Et, en 1977, elle a été nommée Directrice par intérim du CNRZ, une fonction qui n’a duré que huit (8) mois, malgré ses capacités professionnelles et ses aptitudes de gestionnaire. Selon Dr N’golo Traoré, Directeur Général de l’IER à cette époque, «les autorités n’ont pas accédé à sa titularisation parce que les mentalités n’étaient pas évoluées au point de mettre une femme à la tête d’une station d’élevage d’animaux. De surcroît, ces dernières voulaient absolument un docteur vétérinaire comme directeur». Entendons par là que les autorités voulaient un homme car le Mali ne possédait pas de femme ayant ce titre.

 Après la nomination d’un directeur titulaire au CNRZ, Dr Dicko a sollicité un emploi auprès du Centre International Pour l’Elevage en Afrique (CIPEA) dont le siège était à l’époque à Addis-Abeba. Son recrutement par cet institut en octobre 1978, a marqué le début de sa carrière internationale qui s’est étendue jusqu’à sa mise à la retraite en 2009. Au cours de ces trente (30) années, elle a exercé des activités professionnelles de longue durée (au total 20 ans) au sein de 4 instituts de recherche et de courtes missions de consultation, le tout entrecoupé de pauses. Son emploi par le CIPEA a duré de 1978 à 1988, à des postes au Mali et au Niger. Ensuite elle a travaillé pour l’Institut Royal des Tropiques (KIT) des Pays-Bas qui l’a affectée dans un de ses projets en Zambie de 1989 à 1992 et pour l’Institut National de la Recherche Agronomique du Niger (INRAN) de 1996 à 1999, comme chercheure/conseillère au niveau de son Projet National de la Recherche Agricole (PNRA) financé par la Banque Mondiale. Son dernier recrutement de longue durée a été celui du Centre International de Recherche-Développement sur l’Elevage en zone Subhumide (CIRDES) de 2002 à 2005, pour son Programme concerté de recherche /développement sur l’élevage en Afrique de l’Ouest (PROCORDEL). Là, en tant que Coordinatrice régionale des activités de recherches sur les systèmes d’élevage à visée commerciale, elle a supervisé des travaux menés au Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger et Togo.

C’est au cours de cette carrière internationale en Afrique subsaharienne que Dr Dicko s’est consacrée à la recherche/développement sur le système agro-pastoral de production, domaine réservé particulièrement aux hommes. Selon elle,  « en rejoignant cet univers masculin, j’étais consciente que je n’aurai pas seulement à faire face aux exigences de mon métier proprement dit. En tant que femme, je m’attendais à être mise à l’épreuve, à être guettée pour la moindre de mes erreurs, et à travailler 3 à 4 fois plus qu’un collègue du sexe opposé ».

 Eh bien, Dr Dicko a relevé le défi grâce à ses compétences, son ardeur au travail et ses qualités de chercheur telles que la créativité et l’ingéniosité, le tout exercé avec humilité. Alors, tout au long de sa carrière exceptionnelle, ses mérites ont été honorés par le monde scientifique comme sa nomination au Comité Permanent du Congrès International sur les Terres de Parcours (International Rangeland Congress) de 1991 à 1995 et la décoration de Chevalier de l’Ordre International des Palmes Académiques du CAMES (Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur) qui lui a été décernée en 2009, en reconnaissance des services rendus à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche Scientifique en Afrique. En revanche, en n’ayant jusqu’à présent pas attribué de décoration à Dr Dicko, l’Etat malien brille par son absence à ce concert d’éloges à l’endroit d’une de ses talentueuses filles qui l’a dignement représenté durant sa carrière professionnelle.

Au cours de nos échanges avec Dr Maïmouna Salah DICKO, nous avons recueilli ses points de vue sur la recherche agro-pastorale et ses conseils et recommandations à l’endroit de ses confrères, des femmes de la nouvelle génération et des autorités maliennes. Entre autres recommandations, elle invite ses confrères des systèmes nationaux de la recherche agricole de la sous-Région « à se pencher d’avantage sur la connaissance et l’amélioration de la valeur nutritive de nos pâturages qui supportent la quasi-totalité de nos ruminants domestiques. Ainsi, ils contribueront à l’accroissement des productions animales « Bio » dont la consommation est bénéfique pour la santé humaine».

Aux femmes elle dit que « face au sexisme, leurs pouvoirs de résistance et de protection résident dans leur compétence, leur travail avec abnégation et l’unanime reconnaissance de leurs aptitudes par leurs pairs». En plus, elle leur demande de «rehausser entre elles l’entraide et la solidarité qui sont deux pratiques peu courantes entre femmes». Elle souhaite que les autorités maliennes «s’approprient la conviction d’un éminent chercheur français qui soutient que pour soigner la recherche, il faut soigner les chercheurs et c’est grâce aux bons chercheurs que nous pouvons faire de la bonne recherche ». Ce faisant, ajoute-t-elle, l’Etat effectuerait un placement rentable car il est bien connu que « la recherche concourt de façon presque quotidienne à l’amélioration du standing matériel, intellectuel et en définitive moral de la population».

 Nous disons merci à notre grande Nyéléni Dr Dicko pour sa disponibilité pendant  la réalisation de ce portrait qui nous espérons sera inspirant pour la nouvelle génération.

Maïmouna TRAORE

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