La dépigmentation est un phénomène qui prend de l’ampleur considérable de nos jours un peu partout en Afrique. Cette pratique a des noms qui varient selon les pays. Ce phénomène est apparu en Afrique à la fin des années 1960. Il s’explique par plusieurs raisons, dont des conséquences fatales sur la santé. Les «tchatchos» et les dermatologues nous en parlent.
«Khessal» au Sénégal, «Bojou» au Bénin, «Tchatcho» au Mali, «Akonti» au Togo, «Dorot» au Niger, «Décapage» ou «Maquillage» au Cameroun, «Kobwakana» dans les 2 Congo ou encore «Kopakola» au Gabon… Ces appellations ont une dénomination commune : la dépigmentation ! Un fléau qui, malgré ses conséquences sanitaires dramatiques, gagne du terrain au Mali (environ 25% de femmes, selon le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (l’OMS) et en Afrique (entre autres pays, le Togo 59%, Sénégal 27%, selon toujours le même rapport). Ceux qui se dépigmentent sont très souvent conscients des dangers mais se laissent aller du fait du complexe de la peau blanche ou d’autres raisons de plusieurs ordre. «Je me sens plus belle en étant clair. Je sais que cette pratique n’est pas sans conséquences, même si je ne le connais pas réellement. Je n’ai jamais consulté un dermatologue pour savoir quel produit s’adapte à ma peau ou si j’ai un problème de peau que j’ignore», confesse Assétou Doumbia, une coiffeuse. «C’est une copine qui m’a donné envie. Je la trouvais très belle lorsqu’elle a commencé à s’éclaircir la peau. Je me suis dis pourquoi ne pas tenter moi aussi. Me voilà devenir une experte qui connait toute la gamme maintenant, la plus rapide et la moins rapide», précise-t-elle. Des produits aux résultats éphémères, des coûts qui jouent sur l’économie des utilisateurs majoritairement composés des gens de la classe moyenne à un faible revenu mensuel. Il faut aussi reconnaître que des intellectuels s’adonnent à ces pratiques tout en étant conscients du risque sanitaire auquel il s’expose. «Consciencieusement, je sais que ce n’est pas bon d’utiliser ses produits cosmétiques. Je ne peux pas user certains produits comme certains savons voir autres produits au risque de noircir mes ongles et la paume de mes mains… A chaque fois que mes produits s’épuisent, je dois immédiatement renouveler mes stocks au risque de plus noircir. L’éclat donné par ces produits est éphémère. C’est aussi une source de gaspillage de nos économies», reconnaît A.D. «J’ai commencé lorsqu’elle j’ai su que mon mari a doté une fille de teint clair. J’ai été poussée au début par mes copines à m’éclaircir avant le mariage de ma coépouse. Maintenant, je souffre d’une allergie à cause de la dépigmentation. tUne allergie incurable selon mon dermatologiste. Seulement des précautions à prendre pour l’éviter. Mais, à chaque période de chaleur, je souffre des boutons et de démangeaisons», nous confie une grande dame de la place qui a requis l’anonymat. La dépigmentation est souvent pratiquée par certaines femmes parce que leurs compagnons les y encouragent. Ainsi, il n’est pas rare de rencontrer des hommes qui achètent d’une manière ou d’une autre des produits dépigmentant pour leurs copines ou leurs conjointes. Même s’ils ou elles ne confirment pas cette connivence, l’on rencontre souvent des couples dans lesquels les femmes ont le teint noir et, au bout de quelques mois, ce teint «obscur» cède la place à une autre plus lumineuse. Selon nos recherches, pour des cas très graves la dépigmentation peut amener la mort à travers par exemple la peau qui ne se cicatrice pas durant une césarienne chez la femme. Aujourd’hui, plus de 100 femmes meurent par an du fait des nombreuses conséquences de cette dépigmentation artificielle ou volontaire. L’envie de se faire voir dans le show business et dans le milieu artistique a poussé certains hommes à goûter à ce vice au Mali. Contrairement à certains pays africain dont les hommes et les femmes se partagent le gâteau de la dépigmentation. On les a surnommé les «Djia» au Mali. Quand un homme s’adonne à cette pratique, il est apprécié comme un homme voulant se transformer en femme dont l’appellation «Djia». A.K est le compagnon d’une star malienne. «C’est une question de plaisir. Je me sens bien dans ma peau étant clair. Lorsque je suis rentré dans le milieu du show business, j’ai voulu coûte que coûte m’éclaircir la peau», reconnaît avec une fierté écœurante. «Un teint clair ne passe pas inaperçu» conclut-il. La dépigmentation se généralise de nos jours et se pratique par les femmes, en majorité, mais aussi par les hommes qui ignorent ses conséquences à la longue dramatique. Par définition, «la dépigmentation est un procédé chimique qui réduit la production de mélanine et bloque son action afin d’éclaircir la peau. Le blocage de la production de mélanine supprime la protection contre les effets cancérigènes des rayons solaires». «L’Afrique étant un continent ensoleillé, la dépigmentation nous expose donc à la survenue de cancer cutané», a indiqué Dr Boubacar Nanacassé, dermatologue. C’est dire donc qu’à côté des complications esthétiques que cause la dépigmentation, ceux qui utilisent ses produits toxiques pour la peau mettent aussi leur vie en péril. «Ces maladies sont nombreuses et liées à la concentration du produit, à la durée d’utilisation, à la zone d’application», précise Dr Nanacassé. L’utilisation de ces produits provoque donc l’acné (boutons), des vergetures, une hyperpigmentation (ochronose), des infections bactériennes (dermohypodermite), des infections mycosiques (dermatophytoses), des carcinomes… Et juste pour une beauté superficielle et éphémère !