Kadiatou COULIBALY affectueusement appelée Katoucha Coul est une administratrice des ressources humaines, âgée de 46 ans et porteuse d’un handicap moteur. Poétesse, Actrice et artiste Slameuse de la Troupe Culturelle et Artistique HINESO, membre du Réseau des femmes écrivaines du Mali et de la diaspora (REFEMD), Secrétaire générale adjointe de l’Union Malienne des Associations et Comités des Femmes Handicapées (UMAPH). Elle nous parle de son écriture, ses occupations et sa vie de femme vivant avec un handicap.
NYELENI Magazine : Parlez-nous de votre cursus scolaire ?
Kadiatou Coulibaly : J’ai eu mon Certificat d’Études Primaires (CEP) en1990, mon Diplôme d’Études Fondamentales (DEF) en 1993, mon Baccalauréat en Langues et Littérature en 1997 au Lycée Notre Dame du Niger après avoir fait l’année blanche de 1994.
Après le BAC, j’ai abandonné les études à cause de certaines contraintes de la vie. Après 19 ans d’absence, j’ai regagné les bancs en 2016, avec l’aide et les encouragements de l’Honorable Madame Hatouna GAKOU DJIKINE Présidente de la Fédération Malienne des Associations des Personnes vivant avec un Handicap ( FEMAPH). Aujourd’hui, j’ai ma licence en Gestion des Ressources Humaines.
NYELENI Magazine : Avoir un handicap et fréquenter les mêmes établissements que les autres enfants a-t-il été facile ?
Kadiatou Coulibaly : A ce niveau, je n’ai jamais eu de problèmes, car déjà, j’ai eu une enfance agréable au sein de ma famille.
Malgré le fait d’être issue de parents très pauvres et non instruits, ils ont su me considérer et m’éduquer comme mes autres sœurs et frères. Du coup, j’étais bien avec tout le monde à l’école. J’étais la cheffe de notre groupe et tout tournait autour de moi. Je n’étais même pas consciente de mon handicap. C’est à l’âge de 16 ans, que j’ai commencé à apercevoir cette petite différence. J’ai adhéré les mouvements des personnes vivant avec un Handicap depuis 1996, d’où ma petite force, l’estime de soi et la confiance en soi.
NYELENI Magazine :Parlez-nous du regard des autres sur le handicap ?
Kadiatou Coulibaly : Mon handicap particulièrement visible m’expose régulièrement au regard des autres et parfois à des jugements. Je pense qu’il est normal d’attirer les regards des autres sur soi quand on porte un handicap. Une chose est sûre, on ne peut contrôler le regard des autres. Cela ne dépend pas de soi et on n’a pas d’autres choix que de l’accepter. Il est inutile d’accorder de l’importance à ce qui n’est pas en son pouvoir.
En réalité, je ne me sens à l’aise que lorsque je remarque les regards des autres sur moi, cela veut dire que j’ai quelque chose que les autres n’ont pas, du coup, je me sens très belle et très importante surtout.
Nous ne pouvons pas maîtriser le regard des autres. Mais c’est nous, qui choisissons la manière de réagir à ce qui nous arrive. C’est là où réside notre pouvoir. L’Homme est un animal curieux par nature.
NYELENI Magazine : Vous êtes membres de plusieurs associations, à commencer par celle regroupant les personnes vivant avec handicap, qu’elles sont les activités menées et combats gagnés ?
Kadiatou Coulibaly : Nos principales activités menées sont entre autres: La formation et sensibilisation sur les Violences Basées sur le Genre ; La sensibilisation sur la participation citoyenne, les élections, participation aux activités du Mois de la Solidarité et de la lutte contre l’exclusion ; Installation de femmes vivant avec un handicap dans les activités génératrices de revenus, célébration d’activités culturelles, d’information et de sensibilisation de la journée internationale de la femme (08 mars) ; Célébration du 03 décembre (journée internationale des personnes handicapées) ; Élaboration et mise en œuvre du projet NYELENI de renforcement de capacités managériale de dix (10) femmes handicapées dans le District de Bamako, financé par le Programme VOICE de OXFAM 2018-2019 ; Participation au projet EMERGE de National Democratic Institut (NDI) sur la participation citronne des personnes vivant avec un handicap, des femmes et des jeunes dans le processus des élections 2018-2019 ; Formation en vie associative, gouvernance, leadership : Appui en vivres de la Fondation Abdoul Galil Mansour HAIDARA aux femmes vivant avec un handicap ; Participation aux activités organisées par les associations membres de la FEMAPH, les services de l’État, les ONG partenaires ; Installation des femmes vivant avec handicap dans des activités génératrices de revenus, financées par l’Agence National pour l’Emploi (ANPE) ; Participation aux activités de sensibilisation sur la COVID-19, don de vivres, de masques, de kits sanitaires, de gels, de savons, d’eau de javel, appui financier relatif au COVID-19, formation sur la sensibilisation sur la vaccination COVID-19 ; Travail sur le terrain avec Breakthrough USAID ; Appui au fonctionnement des associations et comités de femmes de l’UMAFH ; Participation effective aux concertations nationales, élaboration de la Charte de la Transition, du Collège de désignation du Président et du Vice-Président (2020).
Nous sommes membres du Conseil National de Transition. Nous avons participé aux formations des réseaux faitières des organisations des femmes sur : les conventions relatives à la défense des droits des femmes, les journées de sensibilisation sur l’excision, les violences faites aux femmes, les violences basées sur le genre…
NYELENI Magazine : Loi N°2018-027 du 18 juin 2018 est-elle bien appliquée ?
Kadiatou Coulibaly : Le décret d’application de cette loi a été signé par les autorités de la Transition en septembre 2021. Nous les remercions intensément pour cela. C’est la mise en place d’un comité de suivi qui pose problème. Nous voulions beaucoup de choses dans cette loi ,qui n’ont pas été prises en compte et qui étaient indispensables pour nous, tel que l’intégration à titre exceptionnel des diplômés vivant avec handicap. Malgré les efforts, sincèrement, cette loi n’est pas du tout appliquée comme nous le désirons.
NYELENI Magazine :Vous êtes artiste, poétesse et slameuse, parlez-nous de vos sources d’inspiration et de vos réalisations artistiques?
Kadiatou Coulibaly : Depuis au lycée, j’aimais beaucoup écrire de petites phrases, que je retenais facilement. Quand j’ai intégré le mouvement des personnes vivant avec un handicap en 1996, c’est parce que j’avais vu une pièce de leur théâtre « Drissa le Ministre » à la télévision nationale. Du coup, je suis partie m’inscrire. Quelques mois plus tard j’ai joué dans « Ministre 2 » et c’est moi, qui suis sa mère. Plus je participais à des activités des personnes vivant avec un handicap, plus j’étais inspirée à rédiger des textes afin de faire notre promotion. Aujourd’hui, par la grâce du Tout Puissant, de mes parents et des personnes de bonne volonté, je me retrouve avec beaucoup de textes dont HANDI-CAPABLE, PAIX ET RÉCONCILIATION, FEMMES, DROITS DES PERSONNES VIVANT AVEC UN HANDICAP, PETITE TAILLE…
NYELENI Magazine :Parlez-nous de vos temps libres et de votre vie en famille ?
Kadiatou Coulibaly : Je passe du temps avec ma famille et aussi à mon travail car je suis fonctionnaire de l’État. (Rires). Je suis une mère célibataire, j’ai un garçon de 26 ans et d’autres enfants aussi. Je suis belle, intelligente à la recherche d’un bon mari. (Rires)
NYELENI Magazine : Votre dernier mot sur les conditions de vie des maliens. Vous proposerez quoi pour améliorer ces conditions-là ?
Kadiatou Coulibaly : Les Maliens vivent dans des conditions très difficiles actuellement. Notre pays traverse un moment très difficile. Mais pour pouvoir être autonome, il va falloir accepter certaines conditions très difficiles. Malgré notre résilience, les autorités doivent accélérer les choses, sinon, à l’heure actuelles manger, se soigner… deviennent pratiquement impossibles.
Aimons-nous vivant ! Aimons notre pays! Tous ensemble, nous y arriverons !
Il y aura jamais un Mali kura sans un Malien kura.
Merci NYELENI pour votre considération !
Bon vent!
Propos recueillis par Maïmouna TRAORÉ