Titulaire d’une maîtrise en Mathématiques appliquées option statistique à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, Salimata TOGORA est une écrivaine malienne auteure dramatique, nouvelliste et poétesse. Son écriture engagée peint la société malienne, la beauté de sa culture mais aussi ses insuffisances. NYELENI l’a rencontré pour vous.
NYELENI Magazine : Qui est Salimata TOGORA ?
Salimata TOGORA : Il n’est pas toujours aisé de se définir surtout quand on a beaucoup de centres d’intérêt même si l’écriture est la constante de ma vie. J’aime me présenter comme écrivaine, professionnelle du développement durable et entrepreneure culturelle et sociale. J’ai commencé à publier mes textes en 2007, dans les journaux « l’Essor » et le « Challenger ». Actuellement je travaille comme coordinatrice de projet à l’UNESCO, après une carrière de spécialiste de suivi-évaluation des projets de développement. Je suis la présidente de l’association Notre Culture (ANC), coordinatrice de Plumes de Scène (un programme d’accompagnement des Jeunes auteurs de théâtre), fondatrice de l’association Cercle de Réflexion et d’Actions Citoyennes (CRAC Mali) et de l’entreprise sociale, Centre d’Expertise et de Formation en Évaluation de Développement (CEFED Mali ), qui offre des formations à coût raisonnable aux professionnels de suivi-évaluation et du développement.
NYELENI Magazine : Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Salimata TOGORA : Mon écriture s’inspire des situations qui me touchent. Telles que la condition féminine, certaines inégalités sociales. Mais j’aime également peindre la culture malienne qui m’ébahie par sa richesse. Je pense qu’il y a encore beaucoup de choses à explorer dans ce domaine dans un esprit de partage, de promotion, de transmission et de préservation. J’aime beaucoup le style direct de Maryse Condé, et la poésie de Calixte Beyalla. « Une si longue lettre » de Mariam Ba et « Sous l’Orage » de Seydou Badian, font partis de mes premières influences littéraires, ainsi que la poésie de Lamartine.
NYELENI Magazine : Parlez de vos prix et des œuvres concernés ?
Salimata TOGORA : J’ai reçu mon premier prix en 2005, au Maroc lors d’un concours organisé par la Faculté des sciences Semlalia pour ma nouvelle « Le regard » – texte retravaillé et renommé plus tard « La coupable ». Je suis aussi récipiendaire du 2ème prix, avec la nouvelle « L’alliance », au concours de La meilleure nouvelle de langue française, organisé par le Centre Culturel Français de Bamako, actuel Institut Français. Je suis co-lauréate du Prix du Ministère de la Femme, de l’enfant et de la Famille en 2009, pour les textes « L’alliance, Le chant de la flute » du recueil de nouvelles « Monsieur Bleu-Clair et autres nouvelles »; ce prix a été partagé avec Aïcha Yattabary.
J’ai eu la chance d’être lauréate des Bourses et programmes de soutien avec les pièces de théâtre suivantes :
- L’appel de la scène, lauréate du Dispositif des mots à la scène, 2022, du Programme création de la Commission Internationale du Théâtre Francophone (CITF) 2022, du Fonds Africain de la Culture (ACF), 2020 ;
- Sandra, lauréate du programme de Coaching d’auteur « Univers des Mots », de la Muse, 2021; Finaliste prix RFI Théâtre 2021 ; projet de création du Centre culturel Tiné soutenu par l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) 2020;
- Les filles, lauréate Fonds d’exploration de la Commission Internationale du Théâtre Francophone (CITF)
- Trois petits sauts, lauréate de la bourse de La Chartreuse Villeneuve-lès-Avignon, programme Odyssée du Centres Culturels de Rencontres (ACCR), 2020
- Martyrs anciennement intitulé « Il y a rien de glorieux à être un martyr », lauréate de la bourse de La Chartreuse Villeneuve-lès-Avignon, Institut Français de Paris, du programme Odyssée du Centres Culturels de Rencontres (ACCR), 2018
NYELENI Magazine : Quels sont vos thèmes préférés ?
Salimata TOGORA : la femme dans sa complexité, l’amour, la solitude, les mœurs et usages de la société malienne, l’engagement, la résilience des personnes vulnérables, la dignité, la liberté, la politique…
NYELENI Magazine :Vous avez eu beaucoup de formation dans des ateliers d’écriture, pouvez-vous nous en parler ?
Salimata TOGORA : J’ai eu l’opportunité de participer aux formations sur l’écriture dramatique à La Chartreuse Centre National des écritures du spectacles (CNES) suivantes sur le thème « Que dit le théâtre aux enfants et aux adolescents », en France en 2019 ; au Labo Elan des Récréâtrales (2019/2020), au Burkina Faso en 2011 et 2012 ; au Théâtre El Hamra en Tunis en 2011 et 2012 et au Chantier panafricain d’écriture dramatique des femmes à Grand-Bassam en Côte d’Ivoire en 2009. Mais ma première formation date de 2008, avec le Master Class « Ecriture Dramatique Sobido » organisé par le Conservatoire de musique, de chant, de danse et d’art dramatique de Casablanca à Bamako.
NYELENI Magazine : Vous êtes aussi bloggeuse, femme entrepreneure et activiste, fondatrice et membre d’associations de promotion de la citoyenneté active et de la culture. Comment vous conciliez tout cela ?
Salimata TOGORA : Je suis surtout une ancienne bloggeuse. J’ai créé mon blog en 2009, intitulé « Ces mots/maux qui me touchent » mais je l’ai supprimé en 2021. Ce blog me servait d’espace de partage de mes textes littéraires, de mes réflexions diverses sur la vie, ainsi que de mes coups de gueule. C’était une belle aventure. Mon militantisme au sein des associations et des petites entreprises que je crée répond surtout à un besoin d’agir pour une cause ou de contribuer aux solutions d’un problème donné. Tous mes projets s’inscrivent dans ces objectifs, contribuer et agir, car je reste persuadée que notre existence n’a de sens que notre apport dans l’amélioration des conditions de vie, qu’importe le secteur embrassé. Hélas parfois j’oublie qu’on ne peut pas tout faire. J’avoue que concilier ma vie de militante associative et d’entrepreneur avec ma vie familiale, mon travail et ma carrière d’écrivain n’est pas évident. En ce moment, j’essaye de déléguer beaucoup de responsabilités à d’autres personnes. Et surtout j’essaye de me dégager un temps pour écrire, car j’ai besoin d’écrire …
NYELENI Magazine :Le Mali compte aujourd’hui, plus d’une centaine d’écrivaines à l’intérieur comme dans la diaspora. Pensez-vous que leurs écrits peuvent changer quelque chose dans les conditions de la malienne ?
Salimata TOGORA : Je pense que oui, surtout si ces écrits touchent la cible que nous souhaitons toucher. Ce qui n’est pas toujours évident. Nous avons besoin de visibilité pour nos œuvres, d’appui pour leur diffusion et leur promotion. Nous avons besoin que nos œuvres soient lues, vues et entendus pour atteindre nos objectifs. Nous avons besoin de professionnaliser le travail d’écrivain. Mais déjà je pense qu’avec nos productions actuelles nous témoignons de notre époque, nous partageons notre connaissance et analyse et surtout nous contribuons au patrimoine culturel malien avec notre regard de femmes. Ce que nous devrions peut-être renforcer, c’est faire parvenir et rendre accessibles nos œuvres aux femmes rurales et dans un langage qu’elles comprennent. Et que cela les invite aussi à participer aux débats sur des sujets qui les intéressent.
NYELENI Magazine :Votre mot de la fin ?
Salimata TOGORA : Écrivons tant que nous ressentons le besoin, tant que nous le pouvons. Ecrivons et travaillons pour que le Mali puisse se reconstruire et briller à travers nos plumes ; pour contribuer à l’amélioration des conditions de vie des sans voix, pour enseigner et transmettre des choses positives et utiles aux jeunes et aux générations futures. Pour témoigner. Pour partager des récits d’espoir.
Maïmouna TRAORÉ