Dimanche 6 février, s’est tenue dans la ville de Bougouni, l’édition 2022, de la journée : « Tolérance zéro » aux mutilations génitales féminines (MGF). Le thème international cette année est « Accélérer les investissements pour mettre fin aux Mutilations Génitales féminines ». Le thème retenu sur le plan national est : « Accélérer les actions pour mettre fin aux Mutilations Génitales Féminines au Mali». Ladite cérémonie était placée sous la présidence de Mme la ministre de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille (MPFEF).
Les Mutilations Générales Féminines (MGF) sont des pratiques coutumières, néfastes à la santé sexuelle et reproductive de la femme. Ce sont des formes d’agressions sexuelles, enracinées dans nos cultures et dues aux inégalités de genre et les déséquilibres de pouvoir entre hommes et femmes. C’est pour cela que chaque année les Nations unies organisent une journée de sensibilisation et de bilan des luttes engagées et des combats gagnés contre le phénomène à travers le monde. Qu’en est-il exactement dans le monde et plus précisément au Mali ?
C’est depuis 2004, que le Mali à l’instar des autres pays, célèbre la Journée Internationale du 06 février « Tolérance zéro » aux MGF. Chaque année, les gouvernements, le Système des Nations Unies, les organisations de la société civile et les personnes de bonne volonté se mobilisent pour faire le bilan de la lutte sur l’élimination des mutilations génitales féminines et projeter les actions à venir afin d’accélérer l’atteinte de la tolérance zéro aux MGF d’ici 2030.
Selon l’OMS, les mutilations sexuelles féminines sont internationalement considérées comme une violation des droits des jeunes filles et des femmes. Et de poursuivre : « Elles sont le reflet d’une inégalité profondément enracinée entre les sexes et constituent une forme extrême de discrimination à l’égard des femmes. Elles sont presque toujours pratiquées sur des mineures et constituent une violation des droits de l’enfant.
Ces pratiques violentes également les droits à la santé, à la sécurité et à l’intégrité physique, le droit d’être à l’abri de la torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que le droit à la vie lorsqu’elles ont des conséquences mortelles ».
L’élimination du phénomène a fait l’objet de nombreux appels de la part d’organisations nationales, du Comité Inter-Africain (CI-AF) sur les pratiques traditionnelles affectant la santé de la femme et des enfants et d’organisations intergouvernementales, notamment l’Union Africaine, l’Union européenne et l’Organisation de la Coopération Islamique. Elle a également fait l’objet des résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies, notamment la Résolution N°A/RES/67/146 du 20 décembre 2012 et la Résolution N°A/RES/69/150 du 18 décembre 2014 sur « l’Intensification de l’action mondiale visant à éliminer les Mutilations Génitales Féminines ».
Si l’on prend seulement, l’Objectif de Développement Durable (ODD) n°5, qui parle de «Réaliser l’égalité des genres et donner des capacités et du pouvoir aux femmes et aux filles ;» et le sous-objectif 5.3 : « Éliminer toutes les formes de pratiques néfastes telles que les mariages d’enfants et les mutilations génitales féminines. », ainsi que le programme conjoint UNFPA-UNICEF, pour l’abandon des MGF dans dix-sept (17) pays africains dont le Mali, ainsi que le Programme Initiative Spotlight 2018-2022 contre les violences faites aux femmes et aux filles, toutes ces dispositions marquent l’engagement de la communauté internationale pour éliminer la pratique des MGF.
Deux millions de filles supplémentaires sont désormais à risque de subir ces pratiques au cours des dix prochaines années, a alerté le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) à l’occasion de la Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des MGF.L’UNFPA signale que des progrès ont été effectués en trente ans, avec un tiers de filles en moins soumises à ces pratiques néfastes, mais que leur rythme « doit être dix fois plus rapide si l’on veut atteindre zéro mutilation génitale féminine en 2030 ».
L’agence de l’ONU chargée de la santé sexuelle et reproductive estime qu’un budget de 2,4 milliards de dollars sera nécessaire pour atteindre cet objectif dans les 31 pays prioritaires et prône les méthodes qui ont déjà fait leurs preuves. Or seuls 275 millions devraient être effectivement dépensés, laissant un manque de financement de près de 2,1 milliards.
LES FORMES DE MUTILATIONS GÉNITALES FÉMININES À TRAVERS LE MONDE
Les mutilations de type 1 : l’ablation partielle ou totale du gland du clitoris (petite partie externe et visible du clitoris) et/ou du prépuce/capuchon clitoridien (repli de peau qui entoure le clitoris).
Les mutilations de type 2 : l’ablation partielle ou totale du gland du clitoris et des petites lèvres (replis internes de la vulve), avec ou sans excision des grandes lèvres (replis cutanés externes de la vulve).
Les mutilations de type 3 :(l’infibulation): le rétrécissement de l’orifice vaginal par recouvrement, réalisé en sectionnant et en repositionnant les petites lèvres, ou les grandes lèvres, parfois par suture, avec ou sans ablation du prépuce/capuchon et glands clitoridiens. Les mutilations de type 4 : toutes les autres interventions néfastes au niveau des organes génitaux féminins à des fins non-médicales (scarifications, brûlures, percements, etc.).
QU’EN EST-IL AU MALI ?
Au Mali, la pratique est courante chez ceux qui voient en cela une tradition ou une recommandation divine. Dans chaque quartier de Bamako et dans les régions, existe toujours une famille qui vit de cette pratique. Il n’y a pas de publicité à faire, toutes les femmes connaissent l’adresse, « le bouche à oreille » suffit. Ce travail commence aux premières heures de la journée. On peut apercevoir des femmes en rang, assises selon l’ordre d’arrivée dans une concession et face très souvent à la toilette publique de la cour.
Les filles de tous les âges s’y trouvent, des nourrissons de moins de deux (2) mois, aux enfants de neuf (9) – dix (10) ans.On va jusqu’à penser que, « en bas-âge, on ne sent pas trop la douleur ». Des fois, la veille, a les mains si tremblantes qu’elle blesse la victime aux cuisses. Quand ces maladresses sont constatées, s’il y avait la fille ou la petite fille de l’exciseuse, qui jouaient le rôle d’assistance et qui maintenaient les filles bien plaquées au sol, ces dernières changent de poste. Elles deviennent exciseuses, ainsi de suite. Le montant donné, qui était avant, était symbolique ou en nature (savon, pagne, etc.) s’élève aujourd’hui à 5 000 francs CFA.
Et pourtant, ces femmes, ont toutes eu connaissance de drames liés à la pratique dans le pays, des sketchs de sensibilisation en ont montré, mais l’habitude est une seconde nature et souvent c‘est l’influence des autres, qui poussent certaines à y aller. Nous savons bien, que dans leurs zones d’origines, certaines ethnies ne pratiquent pas l’excision, mais l’influence du voisinage dans les centres urbains, dans certains cas et la mauvaise interprétation de la religion, poussent à la pratique.
Voyons ce que dit le rapport de l’Enquête démographique et de Santé du Mali (EDSM-VI) de 2018. Ce rapport a montré que 73% des filles de 0-14 ans et 89% des femmes de 15-49 ans ont été excisées. Le même rapport montre que 76% des filles ont subi les mutilations génitales féminines (MGF), communément appelées excision, avant l’âge de 5 ans. Malheureusement, 70% des femmes et 68% des hommes pensent que l’excision est exigée par la religion et trois-quarts des femmes (76%) et des hommes (74%) de 15-49 ans, pensent que la pratique de l’excision doit continuer malgré le fait qu’elle ait des conséquences graves sur la santé sexuelle et reproductive des futures adolescentes et femmes.
Les autorités font de leur mieux, elles ont organisé et structuré la réponse nationale contre la pratique des MGF par l’adoption des instruments juridiques internes et externes qui protègent les droits humains, le renforcement du cadre institutionnel et politique publique, l’élaboration des programmes et stratégies d’envergure nationale. Il faut rappeler la Constitution du 25 février 1992 du Mali, qui sacralise la personne humaine, le code pénal de 2001, qui sanctionne les coups et blessures, la loi N°02-044 du 24 juin 2002, relative à la santé de la reproduction, la lettre circulaire n°0019/MSPAS-SG du 07 Janvier 1999, du Ministère de la Santé interdisant la pratique de l’excision dans les établissements sanitaires et par les agents de santé, l’adoption de la politique nationale pour l’abandon de la pratique de l’excision, la création par la loi N°2019-014 du 03 Juillet 2019, du Programme National pour l’abandon des Violences Basées sur le Genre (PNVBG). Des Unités de prise en charge holistique des cas de VBG appelées sont mises en place, comme le « One Stop Center » au Centre de Santé de Référence de la commune V, Centre de Santé de Référence de la commune IV, Centre de Santé de Référence de la commune I, Centre de Santé de Référence de Kayes, Centre de Santé de Référence de Diéma, Centre de Santé de Référence de Koulikoro, Centre de Santé de Référence de Kangaba, Centre de Santé de Référence de Sikasso, Centre de Santé de Référence de Koutiala, Centre de Santé de Référence de San, à l’Hôpital de Ségou au Service social du Groupement Mobile de Sécurité (Centre Jiguiya) à Bamako et à l’hôpital Somino Dolo de Mopti.
LES CONSÉQUENCES
Les mutilations sexuelles féminines ne présentent absolument aucun avantage pour la santé. Bien au contraire, toutes les formes de mutilations sexuelles féminines sont associées à de nombreux risques. Et d’une manière générale, « plus l’intervention est importante, plus les risques augmentent », alerte l’OMS.
À court terme, ces mutilations peuvent provoquer de fortes douleurs, un état de choc, de graves hémorragies, une forte fièvre, des problèmes urinaires, de graves infections telles que le tétanos, des lésions, voire le décès.
Sur le long terme, la santé sexuelle, reproductive et mentale des femmes est aussi lourdement impactée. Les femmes et les filles peuvent être confrontées à : des problèmes urinaires (miction douloureuse, infection des voies urinaires) ; des problèmes vaginaux (pertes vaginales, ulcération, vaginose bactérienne et autres infections): des problèmes menstruels (règles douloureuses, difficultés d’écoulement du sang menstruel, etc.) ; des problèmes liés aux tissus cicatriciels et chéloïdes ; des problèmes sexuels (douleurs pendant les rapports sexuels, diminution du plaisir sexuel, etc.) ; un risque accru de complication lors de l’accouchement (accouchement difficile, hémorragie, césarienne, nécessité de réanimer le nourrisson, etc.) et de décès de nouveau-nés ;la nécessité de pratiquer ultérieurement de nouvelles opérations chirurgicales. Par exemple, lorsque la mutilation aboutit à la fermeture ou au rétrécissement de l’orifice vaginal, il faudra procéder à une réouverture pour permettre à la femme d’avoir des rapports sexuels et d’accoucher. Ainsi, l’orifice vaginal est parfois refermé à plusieurs reprises, y compris après un accouchement, ce qui accroît et multiplie les risques immédiats et à long terme ; des problèmes psychologiques (dépression, anxiété, stress post-traumatique, faible estime de soi, etc.).
Malgré les nombreux engagements pris sur le plan national et international (conventions, chartes ratifiées) et les diverses actions menées depuis plusieurs années, la réalité, et les chiffres montrent que, les pratiques préjudiciables aux filles telles que les MGF, mariages d’enfants, l’exploitation économique, la servitude, le gavage persistent de manière alarmante au Mali et dans le monde.
L’absence de criminalisation des mutilations génitales féminines (MGF) au Mali, constitue pour le Comité des droits de la femme des Nations Unies (CEDAW) « une violation des droits fondamentaux des femmes de ce pays d’Afrique de l’Ouest »
Maïmouna TRAORÉ
Sources : OMS/UNFPA/EDSM-VI