Au Burkina Faso, après le premier discours du Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, nous vous proposons la réaction de M. Félix YE, Expert international en Gouvernance et ancien représentant de l’UNESCO au Cameroun.
Deux choses dans cette première adresse du Président de la junte m’ont, personnellement, quelque peu rassuré… Le fait que le premier responsable du MPRS ait également clairement alludé qu’il n’est le cheval de Troie de personne est d’autant plus rassurant que le doute insidieux et un trouble savamment entretenu, laissaient planer la possibilité qu’il ne soit tout simplement que le bras armé du duo Blaise/Diendieré. Ce qu’il a explicitement exclu.
Le slogan fondateur « La Patrie ou la Mort, nous Vaincrons » par lequel il a conclu son adresse est le signe de la détermination dont beaucoup, comme moi, cherchaient à déceler la preuve tangible.
Ces deux signaux sont déjà bons à prendre… J’attends cependant de voir si les premiers actes qu’il va poser viendront corroborer ces bonnes prémisses…
Le chemin est long et on peut être certains que les traquenards ne manqueront pas de s’inviter, de même que les fausses bonnes solutions et autres roublardises d’une classe politique rompue à l’inélégante acrobatie de revenir par la fenêtre là d’où l’on vient de les expulser. J’écris cette petite tribune pour signaler deux ou trois écueils auxquels la Direction collective de la junte devra faire attention…
De la Structuration de la Transition
Sous des prétextes de clarté de la procédure, la tentation peut être grande de vouloir suivre la voie d’une démarche consensuelle qui tendrait à adopter un certain « classicisme des transitions » consistant à singer les institutions dites démocratiques qui s’avèrent être autant de plateformes d’infiltration des forces négatives qui de l’intérieur, n’auront de cesse de miner, brouiller et finalement, dévoyer et dénaturer la vraie essence d’une transition qui devrait s’apparenter avant tout, à une thérapie de choc, que dis-je, à une opération commando qui ne peut s’encombrer d’une bureaucratie ontologiquement réactionnaire qui ne peut que polluer, freiner et finalement détourner le processus de transition de son objectif principal qui est de poser de solides fondations pour préparer l’avènement d’une gouvernance plus vertueuse que toutes celles qui l’ont précédées.
Aussi, il me semble primordial d’éviter les multiples institutions de la transition auxquelles on transfère les prérogatives des anciennes institutions dites démocratiques, parlement, gouvernement, conseil économique et social etc.
Pour réussir et atteindre pleinement leurs objectifs, les autorités du MPSR n’auront pas d’autres choix que de s’assumer pleinement et intégralement. Pour se faire, en lieu et place d’institutions multiples qui conduisent à l’enlisement, elles devront opter pour la mise en place de structures à la fois lisibles et agiles qui prendront à bras le corps ce qui aura été déterminé comme étant les trois ou quatre priorités les plus prégnantes :
– la sécurité et la récupération progressives du territoire
– la gestion du Covid19 et de la Santé en général,
– la crise alimentaire, voire la famine qui pointent à l’horizon et
– le retour progressif du plus grand nombre de déplacés internes sur leurs terres et ce avant le début de la saison hivernale.
Ces grandes thématiques pourraient être confiées à des Commissions Spécifiques dans lesquelles des patriotes, en nombre réduit, pas plus de 30 individus, à parité égale Hommes/Femmes, choisies pour leurs compétences et leur engagement seraient cooptées et placées sous la responsabilité d’un Commissaire, de préférence un membre du Directoire du MPSR.
La conduite des affaires courantes et la gestion administrative des ministères dans leur format actuel, devraient continuer à être assurées par les Secrétaires Généraux et ce pendant le temps qu’il faudra,
pour avoir un état des lieux exhaustifs de la gestion du pouvoir MPP durant les deux mandats du président. A cet effet ASCE et tous les corps de vérification et de contrôle de l’État doivent être immédiatement réquisitionnés pour conduire des audits sur l’ensemble des institutions publiques en particulier le gouvernement et le parlement.
Cet état des lieux fourni par les audits constituera la base sur laquelle une authentique opération de reddition des comptes sera engagée à l’endroit de tous les gestionnaires des biens publiques et les conséquences administratives, judiciaires et pénales qui devront s’en suivre.
De la durée de la Transition
La prétendue nécessité de préempter le processus de transition en lui fixant une durée déconnectée de sa vocation et de ses objectifs est un débat de réactionnaires auquel il ne faut prêter aucune attention. Seuls les progrès et les avancées dans l’atteinte des objectifs doivent guider la durée de la transition.
A régime d’exception, mesures d’exception.
Félix YE, Expert international/Gouvernance