Le Centre Amadou Hampaté BA (CAHBA) a abrité l’atelier sur les Migrances édition 2018, ce mardi 18 décembre. Cette treizième année de réflexion sur la défense et les droits des migrants, dont le thème est intitulé « Quel modèle économique pour garantir à la jeunesse, un avenir durable et au Mali, la Paix et la Sécurité ». C’est dans le cadre de la commémoration de la journée internationale des migrants. Cette journée a regroupé plusieurs personnalités dont trois(03) anciens ministres, des représentants de la société civile et les artistes Nahawa Doumbia et Mariam Koné. La journée était présidée par l’altermondialiste et ancienne ministre Aminata Dramane TRAORE et à ses côtés l’infatigable Nathalie M’Dela Mounier, écrivaine française.
Cette journée est un espace d’échange sur la situation des migrants, l’objectif est d’éveiller la conscience sur les enjeux de la migration. Trois ministres étaient réunis dont l’ancienne ministre de la Culture et du Tourisme, Aminata Dramane Traoré, Diadjé Danioko et le Professeur. Issa N’Diaye, Nathalie M’Dela Mouvier (écrivaine Française) et des représentants de plusieurs organisations de la Société civile.
Aminata Dramane Traoré a rappelé que « Ce cadre de réflexion est né depuis plus d’une décennie, à la suite des refoulements des migrants africains d’Europe. Il y’a douze(12) ans que nous avons reçu les migrants refoulés de Ceuta et Melilla(dont certains avaient été tués par balle). Depuis lors, chaque année les intellectuels, les artistes et la société civile se rencontrent pour faire le point sur les questions migratoires ».
Pour elle, « Les enseignements que nous avons capitalisé pendant ces douze(12) dernières, qui ont été évoqués par les jeunes en guise d’ouverture, démontrent que la situation s’aggrave de plus en plus compte tenu des flux migratoires. Sur le plan mondial il y’a eu le sommet de Marakech qui n’a pas occulté la question, au-delà de ça, la situation de la France et en Europe risquent d’entrainer un durcissement de la politique migratoire. Mais comme la France même s’engage dans un débat national sur la situation en guise de sortie de la crise des gilets jaunes, cela ne doit pas se passer sans la présence de l’Afrique et particulièrement le Mali qui a été l’un des premiers pays subsahariens à subir ces politiques migratoires répressives”. Et de continuer que, dans le cadre de la défense des Droits Humains des africains, des migrants que le cdre de réflexion a estimé nécessaire de faire un compte rendu de cet effort, et encourager le débat citoyen dans le pays.
Selon un participant, cette nouvelle politique risque d’être chère à nos pays, si nous ne sommes pas en mesure de réagir sur un sujet aussi grave, plus grave que la situation du Nord. Aminata Dramane Traoré dit avoir l’impression que, nous ne regardons que la crise du Nord, nous ne voyons pas dans nos quartiers, dans les grandes villes, cette colère liée à la nature du développement, on en fait pas un problème politique, mais un problème de choix de modèle de développement. Ces modèles qui devront changer, toutes les élections du monde ne serviront à rien si les populations ne sont pas capables de s’investir dans un processus de transformation économique conformée aux intérêts de la Nation.
Dans les politiques de l’ajustement structurel, dans le cadre de l’ouverture de nos pays, si on dit à un pays comme le nôtre, d’aller sur le même ring que les pays développés, cela suppose qu’on a les mêmes moyens, et pourtant nous ne pourrons pas avoir les mêmes moyens que ces pays qui nous ont dominé. Le fait d’avoir planetarisé une économie de marché qui a créé des inégalités monstrueuses, c’est une occasion pour nous de réexaminer notre logiciel. A t-elle ajouté, avant de s’exprimer sur le fameux pacte sur l’immigration qui n’est qu’une prolongation de l’immigration choisie.
Diadjé Yacouba Danioko : Ancien Ministre de la culture, ex ambassadeur du Mali au Gabon
Il a expliqué que cette journée est dédiée aux migrants à travers le monde entier mais plus précisément aux migrants africains et maliens. C’est une journée d’hommage à la mémoire de ceux ou celles qui ont perdu la vie sur les chemins de la migration. La migration, on l’a dit et répété est un Droit Humain inaliénable inscrite à l’article 13 de la déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Aujourd’hui, ce qu’on constate, c’est que ce droit inaliénable est bafoué, foulé aux pieds par des Etats, des gouvernements qui ne veulent pas favoriser la libre circulation des personnes, ils sont daccord pour la libre circulation des marchandises.
Pour lui, « Il s’agit pour nous à cette occasion de dire et de redire notre attachement au respect de la dignité humaine. Quand nous parlons de la dignité humaine, il faut que nous nous interrogeons sur la possibilité ou non pour l’homme, la femme de vivre pleinement sa dignité dans un monde dominé par un modèle économique inégalitaire qui écrase l’homme ou la femme, qui fait qu’ au dessus règnent les possédants, les gagnants du système et en bas de la pyramide, croupissent dans la misère des millions et des millions d’hommes et de femmes, qui manquent de l’indispensable pour manger à leur faim, pour vivre dignement».
Selon Diadjé Yacouba Danioko, « le nouveau panafricanisme que nous voulons construire à travers le mouvement fédéraliste panafricain, qui s’est réuni à Accras du 8 au 13 décembre dernier, ce nouveau panafricamise, cherche à questionner ce modèle économique, en disant que l’Afrique ne pourra réaliser son unité, (ce qui est l’objectif idéal pour lequel des hommes et des femmes, les pères fondateurs se sont battus et certains ont donné leur sang, leur vie), que si nous sortons de ce système économique qui nous écrase. Nous avons les moyens, il faut d’abord prendre conscience de ce enjeu là, que nous ne pouvons rien faire de nous-mêmes pour vivre librement dans nos pays. Nous devons déconstruire le discours misérabiliste, qu’on tient à longueur de journées, des mois et des années sur l’Afrique ».
Ila conseillé de ne pas verser dans un optimisme béant en disant que tout est bien et beau en Afrique, mais se dire que l’Afrique possède des ressources naturelles, humaines et intellectuelles dont elle a besoin pour se reconstruire librement. Ce nouveau panafricanisme cherche à construire l’unité par le bas, au lieu d’en haut comme c’est la cas depuis les indépendances. Mais opter pour une approche horizontale qui fasse que les hommes et les femmes qui, au quotidien, vivent les nombreuses crises qui affectent l’Afrique, soient les acteurs et actrices de leur propre destin. Ceci, à la faveur d’une campagne référendaire organisée dans chacun des cinquante cinq(55) pays d’Afrique pour que ces hommes et ces femmes puissent dirent librement, nous voulons la réalisation de cette unité.
Professeur. Issa N’diaye : Ancien ministre de l’Education
Pour l’ancien ministre de l’Education « C’est que la jeunesse africaine n’arrive pas à analyser le système global mondial qui nous tient aujourd’hui, qui fait que nous connaissons les problèmes que nous connaissons. C’est ce système économique mondial actuel fabrique le chômage chez nous. C’est ce qui détruit l’emploi et pousse par conséquent, notre jeunesse à aller chercher du travail ailleurs. Dans cette quête d’emploi que la jeunesse va essayer de trouver à travers le système de migration, il y’a une sorte d’errance, et des tas d’obstacles qui se dressent de plus en plus devant cette jeunesse en migration ».
Le professeur estime que ce ne sont pas les frontières européennes qui se ferment, mais des politiques européennes contribuent à dresser les pays africains qui sont en bordure de la méditerranée à ouvrir des espèces de camps de concentration sur le chemin des migrants avec toutes les maltraitances que nous connaissons. Il a ensuite ajouté que « Ceux qui arrivent malgré tout, à franchir ce système là et arrivent en Europe, sont de plus en plus dans l’impasse, connaissent les centres de détention, sont expulsés, font l’objet de toutes les misères. Vous savez qu’au bout du compte, ce système là, il faut que nous y réfléchissons. Alors que, ce qui permet à l’Europe de vivre au-dessus de ces moyens, ce sont les richesses qui sont pillées dans nos pays. La jeunesse a le devoir de réfléchir à des alternatives et comprendre le système mondial qu’on a dressé autour de l’Afrique, ce système mondial qui nous conduit dans des impasses ». Le Pr. Issa N’Diaye a conclu que notre sortie de ces impasses nous impose de réfléchir à des alternatives et cela est possible en créant un nouvel ordre économique local et africain. Nous devons quelque part développer la production locale.
Les propositions et les témoignages des émigrés n’ont pas fait défaut avec la projection d’un film réalisé par Nathalie N’Dela Mounier. Ensuite la journée a pris fin par la projection en plein air d’un film intitulé’’ So Kadi ‘’ paroles de migrants porteurs d’espoirs au champ hippique de Bamako.
Mady TOUNKARA