SACKO DIAKA DIAWARA : La première femme médecin du Mali a tiré sa révérence dans l’indifférence

La première femme médecin du Mali, Dr Diaka Diawara Sacko, est décédée le 07 novembre 2016 à Paris (France) à 81 ans. Malgré son engagement et son sens élevé du patriotisme, Dr Diaka n’a reçu aucune distinction honorifique de la part de sa patrie. Et ses obsèques ont eu lieu dans presque l’indifférence des autorités maliennes.

Première femme médecin du Mali, médecin-ingénieur, pédiatre et Gynécologue-obstétricienne de classe exceptionnelle (11è Echelon), Docteur Sacko Diaka Diawara a tiré sa révérence le 7 novembre 2016 à Paris (France), où elle vivait depuis plusieurs années. Dans l’après-midi du samedi 12 novembre 2016, ses parents, ses anciens collaborateurs et patients lui ont rendu un dernier hommage lors d’une cérémonie funéraire, tenue dans sa famille paternelle à Ouolofobougou Bolibana, un quartier populaire de la capitale malienne.

«J’ai travaillée avec Dr Diaka des années durant à la pédiatrie de l’Hôpital Gabriel Touré. Elle s’est toujours distinguée par son amour du travail et son humilité», a témoigné Mme Sangaré Oumou Keita, infirmière à la retraite. «Responsable du pavillon pédiatrie, Diaka se mettait à l’écoute de tous ses collaborateurs. Quand elle prenait son salaire, elle donnait une part à tous ses subalternes. Lorsque je lui demandais pourquoi elle fait ça, elle me répondait que la médecine est une œuvre commune ou chacun joue sa partition, du médecin au brancardier», a-t-elle révélé au micro devant l’assistance.

D‘autres témoignages plus poignants venant des proches collaborateurs et des patients de cette femme médecin, rompue à la tâche, ont ému l’assistance et pourront servir de leçon à la nouvelle génération du corps sanitaire de notre pays. Surtout que certains proches disent que «Dr Diaka Diawara Sacko était consultée même après sa retraite. Mais, elle a finalement opté pour aller vivre en France, parce qu’elle avait du mal à accepter le nouveau visage de la médecine malienne, de voir des médecins privilégier leurs gains personnels à la santé des patients, un personnel qui, du sommet à la base, piétine le Serment d’Hippocrate à longueur de jour-née… Elle se sentait terriblement mal devant ce qu’elle appelait la déshumanisation du secteur de la santé au Mali».

«Diaka a juré de mourir à l’extérieur que de voir ce que le secteur de la santé malienne est devenu. Elle a laissé sa maison construite à Hamdallaye pour aller vivre 20 ans dans la solitude en France», a témoigné un proche de cette grande professionnelle de la santé. Cette illustre personnalité était reconnue dans plusieurs ouvrages dont «Les femmes célèbres du Mali» de l’ex-Première Dame et historienne, Pr. Adam Ba Konaré, comme la première femme médecin du Mali. Et au regard de son parcours, Dr Sacko Diaka Diawara a marqué à jamais l’histoire de la médecine moderne au Mali. Epouse du premier chef de service ORL de l’Hôpital Gabriel Touré (Dr Mamadou Sacko) et mère d’un grand médecin en ORL (Dr Hamadou Sacko), Diaka Diawara est dans le lot des premiers grands fonctionnaires maliens formés en ex-Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS).

Elle a notamment fréquenté la célèbre université de Moscou, où elle a décroché son Doctorat en Médecine, spécialisée en Pédiatrie, à la Faculté de Pédiatrie de l’Institut de Médecine de Pirogov en 1969. Suivra une longue carrière au service du secteur de la santé au Mali. Ainsi, de juillet 1969 à mai 1974, elle sera chef de pavillon de la pédiatrie de l’Hôpital Gabriel Touré, puis médecin chef du PMI (Centre de protection maternelle et infantile) de Badalabougou de mai 1974 à juin 1980. Après une grande expertise engrangée dans cette spécialité destinée aux enfants, elle décide d’ajouter une nouvelle corde à son arc.

 Un brillant parcours académique

A son corps défendant, Dr Sacko Diaka bénéficiera d’un congé de formation en Russie entre juin 1980 et octobre 1989. Une opportunité qu’elle mettra à profit pour se spécialiser et obtenir un PHD en gynécologie et Obstétrique. Elle y décrochera, tour à tour, un Certificat de qualification en chirurgie (janvier 1984) à l’Institut de Médecine de Pirogov de Moscou (ex-URSS), un autre Certificat d’études spécialisées en gynécologie et en obstétrique (juin 1984) et un PhD en gynécologie et en obstétrique à l’Institut de Médecine Pirogov de Moscou (1987). Elle aura aussi des Certificats en cancérologie pour recherche scientifique (1985), en organisation de la santé, en organisation internationale de la santé en mai 1987 à Paris (France). Sur la même lancée, elle obtiendra à Paris, entre autres, un DEA en santé communautaire en avril 1988, un DEA en prévention des grandes endémies option prévention des maladies sexuellement transmissibles en juin 1989. S’y ajoutent des Attestations d’études approfondies en médecine et santé tropicale; pathologie et épidémiologie tropicale; évaluation des services de santé, Néonatologie, Hémobiologie pé- rinatale.

A son retour au pays, Dr Diaka Diawara servira au service de gynécologie et d’obstétrique du CHU Gabriel Touré de novembre 1989 à décembre 1993. Et c’est le 1er Janvier 1994 qu’elle fera valoir ses droits à la retraite. Malgré ce parcours hors du commun, son dévouement et son sens élevé du professionnalisme, Dr Diaka Diawara Sacko n’a reçu aucune distinction honorifique de la part de l’Etat malien. Même pas la moindre reconnaissance à travers le baptême d’une Salle ou d’un Pavillon à son nom. Comme disent les penseurs, la Nation est souvent ingrate à certains de ses dignes fils.

«Je suis offusqué qu’elle n’ait jamais reçu la reconnaissance de la patrie, alors qu’on distribue des Médailles à n’importe qui maintenant. Il fallait être témoin de ses prouesses, pour en déduire que le Mali fut ingrat à son égard. Avec son regretté époux, qui fut l’initiateur et 1er chef du service ORL de l’Hôpital Gabriel Touré, leur vie c’était l’hôpital. Celui-ci (défunt époux) n’a aussi bénéficié d’aucune reconnaissance nationale», a déploré un confrère qui connaît bien les familles Sacko et Diawara. «Leur fils, Dr Hamidou Sacko, fut victime d’inimitié indescriptible au CHU Gabriel Touré à cause de sa compétence et sa bonne réputation, à telle enseigne qu’il consulte maintenant dans une salle modeste du CSREF (Centre de santé de référence) de la Commune IV du district de Bamako», a t-il précisé.

Ce qui amènera une sommité de la médecine malienne, témoin de notre entretien à reconnaître que «c’est vraiment révoltant» et de rappeler, «ce sont ces genres de comportements et d’ingratitude qui font que le Mali n’avancera jamais. Ce sont des plaies qu’il faut réellement soigner si nous voulons que ce pays avance»  «La pratique de la médecine est un sacerdoce dans notre famille. Nous exerçons pour nos patients, notamment les populations vulnérables, et non pour espérer une quelconque médaille de la part de quiconque», défend Dr Hamidou Sacko, médecin ORL et premier fils de la défunte. Pour Mamadou Traoré dit Major (parce que major de l’IOTA pendant 23 ans, qui n’a aussi jamais reçu de médailles), ami de longue date de son défunt mari, «Diaka Diawara, au départ, était une institutrice. Sûre de ses capacités intellectuelles, elle a décidé de faire médecine et voilà. La brave Nyéléni a réussi et elle laisse derrière elle une réputation jamais entachée! ».

Dr Sacko Diaka Diawara laisse derrière elle quatre enfants et un grand nombre de petits-enfants inconsolables.

Dors en paix Docteur Diaka !

Moussa BOLLY

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