«MIGRANCES 2017» AU CENTRE AMADOU HAMPATE BA: Freiner l’émigration par un modèle de développement conforme aux aspirations africaines

Le Centre Amadou Hampâté BA (CAHBA) de Bamako a abrité la 12è édition de «Migrances» du 16 au 18 décembre 2017. Il s’agit d’une table-ronde organisée par Mme Aminata Dramane Traoré avec des experts venus de l’Europe et du Maroc autour de la grande question de la migration des jeunes africains.

« Quel modèle économique pour garantir à la jeunesse un avenir durable ainsi que la paix et la sécurité au Mali ? » Telle était la problématique débattue lors de la 12è édition de «Migrances». Une rencontre annuelle des intellectuels-les – artistes et autres acteurs – trices de la société civile. Elle s’inscrit dans un contexte africain et international marqué par une vague d’indignation, plus que légitime, suscitée par les images de la vente aux enchères de migrants noirs en Libye diffusées par CNN. Elle s’est tenue du 16 au 18 décembre 2017 au Centre Amadou Hampâté BA (CAHBA) de Missira, à Bamako. Cette table-ronde visait à dégager les principes moraux, politiques, économiques, culturels et religieux contre la fuite des capitaux, des bras et des cerveaux du continent.

A l’ouverture du débat, l’altermondialiste Aminata Dramane Traoré n’a pas hésité à situer les responsabilités avec le courage et la franchise qui caractérisent toujours son discours. «Même si l’Afrique est responsable en partie, l’Europe a une très grande part de responsabilité dans cette affaire», a martelé l’ancienne ministre de la Culture du Mali. AU cours de la rencontre, les débats ont porté sur les grandes questions dévastatrices de ces dernières années pour l’Afrique de l’Ouest et le Maghreb. Est-ce que c’est l’agression de la Libye ou la fécondité des africains qui a fait plus de mal aux Etats africains ? Ce qui est sûr, si le coton et l’or du Mali ainsi que l’uranium du Niger profitaient effectivement aux ressortissants de ces pays, leurs jeunes n’émigreraient pas au risque de leur vie.

Selon Nathalie M’Dela Mounier, venue de la France, «on constate un durcissement extrême des lois et des pratiques administratives migratoires ces dernières années. Les logiques en matière migratoire se font de plus en plus répressives». Quant à la France, le pays des droits de l’Homme, «elle s’enferme, réprime et est devenue championne toutes catégories de l’enfermement des étrangers de cette année avec cinquante milles privations de liberté par an, un centre de rétention, un centre de détention, en assignation à domicile multiple…», a-t-elle déploré. Venu d’Italie, M. Roberto Beneduce a déclaré que la fermeture des portes aux Africains n’est qu’une prolongation de la vieille manière de gouverner les territoires coloniaux. On n’est souverain que lorsqu’on peut aller où on veut…». Cette 12è édition de « Migrances » a été rehaussée par des débats intéressants entre le public et les conférenciers. Surtout celui autour de la question « Quelles stratégies et méthodes pour créer des emplois et permettre aux jeunes d’avoir confiance en l’avenir afin de rester chez eux ? ». A l’issue de la rencontre, l’une des grandes recommandations a été l’exhortation à consommer des produit de chez nous afin de booster les filières agricoles et la croissance économique.

Mamadou Gagny Traoré

 

PAROLE A :

AMINATA DRAMANE TRAORE, INITIATRICE DE «MIGRANCES : «Créer un modèle économique favorable à l’emploi pour retenir les jeunes»

L’idée de cette table-ronde est de contribuer à la construction d’une pensée malienne et africaine sur ce phénomène des départs de plus en plus nombreux vers l’Europe et dans des conditions les pires. C’est une situation qu’on ne pourra même pas imaginer. Si les passeurs ont une grande part de responsabilité, ils ne sont pas malheureusement les premiers responsables. Les trafiquants d’êtres humains profitent d’une situation de pire crise du système économique mondial, dont notre économie est l’une des composantes… Tant que nous ne créons pas d’emplois, nous ne pouvons pas retenir cette génération. D’ailleurs, ceux qui reviennent, repartent aussitôt car ils n’ont pas de travail. Notre part de responsabilité, c’est d’imaginer un modèle économique qui soit la réponse à cette question fondamentale : Quel emploi pour la jeunesse africaine ? Et l’Europe même n’a pas la réponse à cette question puisque le chômage sévit là-bas. C’est nous qui pouvons changer la donne avec une conscience plus aigüe, en se disant : chaque fois que vous achetez, vous vous libérez ! Et vous vous enchainez en fonction de ce que vous mangez, ce que vous portez… ! Les autres ne consomment pas africain et les Africains ne veulent pas consommer africain. On a déjà organisé des débats sur la consommation car consommer est un acte politique.

Mr ROBERTO BENEDUCE, PARTICIPANT ITALIEN: «Une continuité très inquiétante des anxiétés coloniales»

Fermer la porte aux Africains n’est qu’une prolongation de la vieille manière de gouverner les territoires coloniaux aujourd’hui dans la post colonie. C’est pour dire que les stratégies d’identification des étrangers qu’on utilisait en Algérie, en Tunisie et dans les colonies de l’Ile de Chine, c’est-à-dire l’identification anthropométrique ! C’est la même obsession identificataire. Le droit de chercher un lieu où être, est un droit fondamental, peut-être la mesure la plus fondamentale de la souveraineté. Si par la loi on veut régler ou empêcher ce droit à bouger ; alors on risque effectivement de reproduire l’ancienne manière de contrôler l’espace, les destins et les désirs des gens. Je trouve là, une continuité très inquiétante avec les discours, les anxiétés coloniales.

Propos recueillis par  Mamadou Gagny Traoré

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