LES FEMMES RURALES: Des actrices du développement socioéconomique réduites à la misère

Les femmes rurales jouent un rôle incontournable dans la vie socioéconomique de notre pays. Notre reporter s’est rendue dans le monde Bwa (Bobo) et celui des Dogons (dans la région de Ségou) où elle a rencontré des femmes aux destins lamentables. Elles mènent une vie de calvaire pour la survie de leur communauté. Elles relatent leur vie à travers des témoignages. Si ce n’est pas leur apparence qui dit tout sur leurs conditions de vie. NYELENI Magazine sillonne les coins les plus éloignés du Mali à la découverte de ces femmes dont la bravoure est à toute épreuve.

Biowe Fancine Diassana-Relais du village Paramandou

 Paramandou est un village Bwa situé à 1 km du cercle de Tominian où nous avons rencontré Mme Biowe Francine Diassana, courament appelée Biowe Sini, le relais du village. C’est une femme dont le courage et la détermination n’échappent pas au visiteur attentif. Mariée et mère de six enfants, Biowe Francine Diassana est considérée comme une infirmière pour les villageois. Et pourtant, elle est un relais ou encore un agent de santé communautaire du village depuis plus d’une dizaine d’année. «J’ai abandonné l’école en 1982 lorsque je faisais la 6e année du premier cycle. C’est le plus grand regret de ma vie.», confesse la brave dame. Et de rappeler, «vivre au village est difficile. Mais, c’est surtout pire dans une localité où les gens sont dans l’ignorance». Sa longue année d’expérience lui a donné des atouts dans ce domaine. Sa vie de ménagère ne marginalise pas sa vie de femme relais. Elle est une vraie Nyéléni aux multiples occupations. En effet, Mme Diassana est également la trésorière de l’association mise en place par les femmes du village avec l’appui d’ODS-Mali qui pilote un projet au village. Sa journée ordinaire n’est pas pourtant différente de celle des autres femmes du village. «Je prends les épis de sorgho dans le grenier le matin, les décortique dans le mortier, ensuite je tire les graines pour en faire un bon Tô que j’apporte au champ à mon mari et à mes enfants. Je les aide ensuite à labourer le champ jusqu’au petit soir. Je retourne ensuite à la maison m’occuper de mes petits travaux ménagers», raconte-t-elle.

Aramata Arama

Dans la commune de Timissa, à 93 km de Tominian où nous avons croisé Aramata Arama. Il s’agit d’une jeune femme de 21 ans et enceinte de son deuxième enfant. Quand nous l’avons trouvé, elle était accroupie sur un géant caillou de meule pour moudre le mil du diner. Elle est la seule à nourrir plus de vingt bouches. «Lorsque je prépare mes brisures de céréales, je le fait à l’aide de ce caillou tous les jours. Après la cuisson, je me rends au champ pour trainer le cheval et la charrue», raconte-t-elle.  «Le seul jour de repos, pour ne pas trainer le cheval est la foire hebdomadaire. Chez nous, on nous donne nos céréales avec les épis le matin, pour en faire le repas le même jour».

La «Grande maçon» se nomme Salima Tolofodjé à Dimankui, à 115 km de Tominian dans la commune de Timissa. C’est une femme d’une quarantaine d’années. En arrivant dans le village, nous l’avons rencontrée en tain de mélanger les pailles dans la boue pour confectionner des briquettes devant servir à reconstruire les chambres dégradées depuis un certain moment. «Dans dix jour je vais construire, avec d’autres femmes du village, une chambre avec véranda et renouveler ma cuisine pour cette saison pluvieuse», souligne-t-elle avec un bonheur réel sur le visage. «La construction de ces maisons ne gâtent en rien nos travaux champêtres. Apres avoir fini de faire ces briquettes, nous devons aller ensuite cultiver le champ collectif avec les hommes. Apres les confections, nous les laissons au soleil pour qu’elles sèchent rapidement. En cas d’éventuelles pluies nous prenons des dispositions pour les protéger. Ensuite, nous les arrangeons dans un endroit moins humide avant le jour des travaux», explique la femme maçonne.

Salimatata Tolofodjé de Dimankui

«Nous construisons ces maisons pour donner un abri à nos enfants et à nous-mêmes», défend-t-elle. Il faut être sur le terrain pour voir comment ces femmes manient ces boues avec passion, courage et abnégation. Mais son plus grand rêve aujourd’hui, c’est de voir de l’eau potable dans son village. «Pendant la saison sèche, nous soufrons du manque d’eau. Vous verrez alors dans ce village des ménages qui ne préparent qu’une seule fois par jour. Et cela fait plusieurs années que notre localité connait la recrudescente d’une mauvaise pluviométrie», confie notre interlocutrice très préoccupée par le sort de sa communauté.

Elle précise que la crise du nord a beaucoup affecté leurs activités. «Les villageois sont envahis par une peur constante. La confiance et la quiétude de jadis ne sont plus d’actualité. Nous, les femmes, nous voyageons par groupe aujourd’hui pour ne pas se faire attraper par des bandits. Et les motos sont interdites dans nos localités. Nous nous contentons de nos charrettes et de nos chevaux», explique-t-elle. Un autre village, Bouani est situé à environ 90 km de Tominian dans la commune de Fangasso où nous avons croisé Bone Diarra. Une femme d’une cinquante d’année. Bouani est un village où nous avons rencontré une pauvreté extrême, où manger même souvent deux fois n’est pas courant.

Bone Diarra

Bone Diarra souffre d’une augmentation de la glande thyroïde (le goitre). «Je souffre de cette maladie depuis plus de dix ans, elle grossit en moi et prend de l’ampleur», explique-t-elle. En arrivant au village, nous l’avons rencontré chez le chef du village. Elle avoue que «le seul confort que j’ai de la vie aujourd‘hui, c’est de venir m’asseoir chez le chef du village ou me promener. Je dois m’adosser contre le mur pour pouvoir dormir tous les jours. Après plusieurs traitement traditionnels (elle n’a pas les moyens de se faire ausculter par de vrais spécialistes), je suis obligée de me voir mourir à petit feu». Actuellement, nous faisons une quête pour l’aider à ce faire opérer à Bamako en septembre prochain.

Ici, tout est fatalité ! Y compris le calvaire et la misère !

 

Nindèye Tounkara

Envoyée Spéciale

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